Les nouveaux modes constructifs

Annabelle Martinat
Mis à jour par
le 16 décembre 2020
Journaliste chez PAP.fr

Les nouvelles façons de construire entrent de plein pied dans la maison individuelle. L’objectif : relever le défi du développement durable et des économies d’énergie, mais aussi réduire la pénibilité sur les chantiers et gagner en productivité. Pleins feux sur les dernières innovations.

Les blocs coffrants isolants brevetés Euromac 2autorisent la réalisation de constructions qui répondent aux exigences de la maison passive. Leur coefficient R de 4,2 à 10,2 m².K/W(de 30 à 40 cm d’épaisseur) leur permet aussi d’anticiper la future RE2020. © Domindo

À plus d’un an de la mise en place de la Réglementation environnementale (RE 2020) qui intégrera l’empreinte carbone de toute nouvelle construction au même titre que sa consommation d’énergie, force est de constater que les industriels ne ménagent pas leurs efforts en matière de solutions innovantes. La dernière édition des Awards de l’innovation du Mondial du bâtiment confirme ce dynamisme et la capacité de renouveau de la filière selon son directeur Guillaume Loizeau. Sous l’impulsion du label E+C-, la maçonnerie est ainsi entrée dans l’ère décarbonée, préfabriquée et celle de l’économie circulaire. Nous avons pioché dans le palmarès 2019, côtés nominés et lauréats, quelques innovations qui pourraient bien révolutionner le secteur de la construction. Découvertes.

© Domindo

Des chantiers propres
La préfabrication des maisons présente également un intérêt environnemental grâce à des chantiers propres. Un critère important dans la cadre de la future réglementation environnementale 2020. L’industrialisation de la construction en usine permet en effet de maîtriser les quantités et donc les déchets. Tous les produits ou matériaux mis en œuvre sont alors beaucoup plus facilement recyclés.

Une enveloppe complète préfabriquée 

L’entreprise Arteck avec sa solution Respir® fait partie des dix lauréats des Awards de l’innovation.

Le concept ? Une enveloppe complète du bâtiment, fabriquée en atelier, comprenant une ossature pré-équipée, un système de planchers, et l’ensemble des éléments nécessaires à la stabilité et à la durabilité de la structure. Principal élément de cette innovation, le mur est composé de trois couches distinctes d’ossature bois, remplies d’isolant en laine et fibre de bois. Cette structure, inspirée de la traditionnelle maison à colombages, permet notamment d’assurer une très forte isolation thermique et acoustique et ainsi de construire des maisons très performantes, voire passives (le mur atteint un R de 7.0 m.K/W). L’enveloppe est fabriquée à partir de matériaux biosourcés (bois et laines de bois), en réduisant au maximum la quantité de colles (à base de formaldéhydes, responsables d’émission de COV) pour garantir un air intérieur toujours sain. « Enfin, là où une maison maçonnée de 100 m. génère un bilan carbone de l’ordre de 120T, une maison ossature bois Arteck se situe aux alentours de - 30T : un bilan négatif, car le carbone consommé par les bois durant leur croissance est stocké lors de la coupe... » Il est par ailleurs compatible avec l’évolution du DTU bois qui rendra obligatoire la notion de perspirance des parois.

Le plus. Le caractère innovant de cette solution se retrouve aussi dans le processus d’industrialisation. Conçues et dessinées avec une précision millimétrique, les parois sont assemblées en usine : elles comprennent la structure, l’isolation, le pare-vapeur, le bardage et même les menuiseries extérieures ! Cette construction hors site permet de travailler dans un environnement extrêmement maîtrisé. « Imaginé par et pour des charpentiers, le système de montage de l’enveloppe permet une mise en œuvre aisée, en moins d’une semaine l’enveloppe est titulaire d’une évaluation technique du FCBA (2018), qui l’assimile à une technique courante de construction », rappelle la société.

© Arteck

Un logiciel 3D pour l'enveloppe du bâtiment
Procal a pensé aux concepteurs déroutés par la 3D, obligatoire dans une approche BIM. Son logiciel prend les façades et ouvertures dessinés en 2D et construit la façade en ajoutant tous les composants en 3D : panneaux de façade, cassette, ossatures, équerres, plateaux, isolation thermique et tous les habillages. Le gain pour l’utilisateur, selon le fabricant est multiple : augmentation de la productivité, fiabilité des études, diminution des risques, réduction des coûts des projets. En cours de certification.

Un mur porteur à énergie positive 

« Nous avions pour ambition d’améliorer conjointement l’efficacité énergétique, environnementale au sens large et la performance économique globale des bâtiments », annonce en préambule le groupe Solutions Composites.

Le concept. Wall E+®, pour « Mur à énergie positive » est un système constructif innovant en matériaux composites, à hautes performances énergétiques, utilisé comme mur porteur, plancher ou couverture. Tout en finesse mais costaud, Wall E+ ® exploite les qualités inhérentes aux matériaux composites et l’intégration naturelle de systèmes de récupération d’énergie dans la structure même du bloc-façade. « La formulation GlassTherm® de nos matériaux composites qui constituent le système constructif Wall E+® présente des performances thermiques bien plus importantes que les matériaux traditionnels », traduit l’entreprise. Wall E+® facilite aussi l’intégration de capteurs photovoltaïques et capteurs pariéto-dynamiques de type « mur trombe ». Un système qui vise à accumuler le rayonnement solaire du jour et à le restituer pendant la nuit et/ou à exploiter la chaleur produite pour « l’injecter » dans le bâtiment sous forme d’air chaud (principe du mur trombe).

Le plus. « Wall E+® accueillera aussi très naturellement et sans aucun risque de corrosion, des végétaux en surface, élégante façon de décarboner les villes », souligne le fabricant. « C’est une avancée essentielle que de pouvoir mobiliser toutes ces surfaces verticales, à cette fin de piéger le CO2 dans des végétaux. » Côté confort d’utilisation, les blocs, très légers, sont manipulables sans effort. Les murs pourront être préfabriqués en usine, menuiseries incluses, puis assemblés par panneaux complets sur chantier : gage de sécurité et de qualité supplémentaire. Wall E+® est en cours de certification.

© SOLUTIONS COMPOSITES

Une façade E+/C- 

Imaginez une façade pouvant produire de l’énergie « verte » à partir des contraintes mécaniques générées par les éléments naturels de l’environnement tels que la pluie, le vent ou encore le bruit. On appelle ça de « l’energy harvesting » ou « récolte d’énergie » et c’est le principe de la façade E+C- à énergie positive bas carbone développée par le groupe Technal.

Le concept. Concrètement la façade E+C- est constituée d’une multitude d’écailles/languettes en aluminium, qui s’animent sous l’effet des éléments naturels extérieurs : les sons, les gouttes d’eau, le vent… autant de sources d’énergie gratuites et illimitées, qu’elle va transformer en électricité. Cette énergie est stockée pour alimenter des équipements de faible puissance comme les multiples capteurs régulant les paramètres de confort du bâtiment. « Pour capter ces sources d’énergies, E+C- s’appuie sur la piézoélectricité, qui est la capacité de certains matériaux à générer un champ électrique sous l’action d’une contrainte mécanique. Des capteurs piézoélectriques sont ainsi intégrés sur les languettes en aluminium », explique le fabricant. Réalisée à partir d’aluminium recyclé, composée à minima de 75 % de matières recyclées issues de menuiseries existantes, elle affiche par ailleurs une empreinte carbone exceptionnellement faible.

Le plus. Au-delà de l’aspect énergétique, E+C- confère une indéniable esthétique architecturale à la construction. Le design des écailles en aluminium peut prendre une multitude de formes et de couleurs qui signeront l’identité du bâtiment : forme d’écaille sur mesure, jeu de dégradés original, mix de petites et grandes écailles pour dynamiser l’enveloppe… « Cette peau mouvante et agile vit également au rythme des éléments naturels présents dans l’environnement. Elle bouge, reflète la lumière, crée des effets cinétiques... »

© Technal

Sous avis
Dans le cadre d’un projet de construction, mieux vaut mettre en œuvre des produits disposant d’un avis technique du CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment). Pourquoi ? Parce que l’Avis technique est l’appréciation impartiale de l’aptitude d’un produit à l’emploi prévu et qu’il fait foi d’une indéniable qualité finale de votre habitat.

Et toujours les blocs coffrants 

Pas vraiment une nouveauté, mais toujours plébiscité par les professionnels de la construction pour ses indéniables atouts, le bloc coffrant isolant (BCI pour les initiés) s’inscrit idéalement dans une logique de performance énergétique et de réduction des coûts.

Le concept ? Il est constitué d’une paroi isolante intérieure (généralement fine), d’un espace creux dans lequel on coulera du béton, puis d’une seconde paroi isolante (plus épaisse selon l’isolation voulue). Le béton est pris en sandwich, l’isolation est à la fois intérieure et extérieure. Exit les ponts thermiques. Il existe une multitude de types de blocs coffrants isolants, mais la plupart sont constitués de faces isolantes en PSE (polystyrène expansé) de très haute densité, neutre, ininflammable, autoextinguible, de très haute résistance mécanique, solidarisées par des entretoises métalliques. Avec ce système constructif, l’étanchéité des maisons est très élevée. Des tests de perméabilité atteignent 0,12 m3/h/m2 alors que le plafond réglementaire est fixé à 0,60 m3/h/m2. Quant à la résistance thermique (indice qui mesure les capacités isolantes du matériau), elle varie de 4,2 à 10,2 m2.K/W (de 30 à 40 cm d’épaisseur) lui permettant d’anticiper la future RE 2020 selon l’épaisseur des planelles. Qu’il pleuve, qu’il neige ou que le soleil soit au firmament, la maison conserve une température moyenne constante pour un confort optimal en toute saison. Ce qui permet de réduire significativement les factures de chauffage en hiver et les dépenses liées à la climatisation en été (< 15 kWh/ m./an). « Les particuliers qui le souhaitent peuvent ainsi opter aisément pour un projet sans système de chauffage principal et tendre vers le zéro-consommation. » La structure massive en béton isole également efficacement des bruits extérieurs (Rw+C > 50 dB). La solution mise au point optimise les coûts. Dès lors, dans le cas d’une maison individuelle, « nous parvenons à une offre labellisable en passif à moins de 2 000 €/m2 de coût de construction », estime le groupe Euromac 2.

Le plus. Un bloc de polystyrène ne pèse que 2 kg d’où une manutention très facile. Les blocs s’assemblent très rapidement comme des Lego®. Résultat, pour le constructeur, la mise en œuvre est divisée par deux par rapport à une construction traditionnelle. Il suffit de monter les murs d’élévation et de remplir de béton le vide entre les deux planelles à l’aide d’un camion toupie. Une fois sec, on coule la dalle du premier et les maçons passent au second niveau.

© DOMINDO

La construction hors site

La construction dite hors site ou industrialisée est une innovation importante dans le monde de la maison individuelle. Au vu des enjeux sociétaux actuels, tous les voyants semblent d’ailleurs au vert pour donner un coup d’accélérateur à ce procédé constructif. Il s’agit de préfabriquer en atelier pratiquement tous les éléments constitutifs de la maison et de les assembler sur place. La construction hors site intègre la fabrication du gros-œuvre (mur, plancher, charpente, lots techniques ou architecturaux, installations électriques, de plomberie et de chauffage, accessoires et équipements). Certains constructeurs optent pour une ossature bois, d’autres pour une structure acier. Dès que les plots de béton destinés à recevoir la maison sont coulés et secs, les modules sont livrés sur le terrain et assemblés sur place. Pour PopUp House, spécialiste de l’habitat industrialisé modulaire, les atouts sont indéniables : de hautes performances thermiques (équivalentes aux standards du bâtiment passif selon l’entreprise), une grande rapidité de montage (quelques semaines), un chantier propre, un confort hygrométrique et acoustique amélioré et de plus longues portées pour créer de grandes pièces ouvertes. Le groupe a également renforcé son engagement en faveur du développement durable. Les ossatures de ses maisons sont constituées de fibres de bois insufflées qui viennent s’assembler sur des lamelles du même matériau, pour une solution 100 % biosourcée. « Cette conception permet de s’affranchir de l’utilisation de matières premières dérivées du pétrole et d’utiliser des matériaux naturels pour alléger l’empreinte carbone de
nos bâtiments. »

© doc.La Maison Abordable®/Ciments Calcia

Le plus. Côté esthétique, seul un œil expert peut distinguer une maison hors site d’une construction dite traditionnelle. La seule différence notable réside dans les délais de
réalisation : une maison est hors d’eau hors d’air en une journée. Autre avantage : une qualité constante, des déchets de chantier réduits tout comme la consommation d’eau et la pénibilité et une empreinte carbone diminuée, qui permettra une adaptation facile à la prochaine Réglementation environnementale.

Nouvelle venue
AST Groupe a lancé en juillet dernier son concept de « maison modulaire », baptisé M Design. Il s’agit d’une nouvelle offre d’écoconstruction ultrarapide, à un prix accessible et à l’empreinte écologique faible. Ces nouvelles maisons modulaires répondent aux besoins d’immédiateté, de modernité et d’accessibilité tout en faisant sauter les tracas de la construction traditionnelle en termes de délais, de choix des prestataires, innombrables devis, imprévus de chantiers… Achetée en agence traditionnelle, la maison est, dès signature de l’acte, livrée sous trois mois environ (le temps des démarches administratives et de la fabrication en usine). La pose se fait ensuite en une journée, et il faut compter environ quinze jours après celle-ci pour la remise des clés. Côté prix, le modèle avec trois chambres de 95 m2 est prévu à 140 000 €.

La préfabrication béton

Si les constructeurs de maisons à ossature bois ou hors site utilisent la technique de préfabrication depuis longtemps, la filière humide (celle qui utilise le béton) commence seulement à l’adopter. Les motivations sont identiques à celles de la filière sèche : construire rapidement des maisons techniquement irréprochables et performantes. Nicolas Regnier, cofondateur de Quick Habitat, précise l’origine du concept « Je me suis intéressé à la préfabrication de murs pour avoir un contrôle qualité et une bonne rapidité d’exécution. Le concept repose sur un produit intelligent, certifié, traçable, écoresponsable sans sinistralité avec une mise en œuvre rapide. » Murs et panneaux sont réalisés en usine et livrés directement sur le chantier puis assemblés à l’aide d’une grue. Une fois les fondations coulées et la dalle sèche, les murs sont clavetés pour un assemblage précis. Le coulage des jonctions d’angle se fait ensuite avec du béton. Résultat, le phénomène de pont thermique est supprimé.

Le plus. Pour améliorer leurs performances, les murs incorporent un isolant thermique haute performance ainsi que les gaines électriques. Résultat, leur mise en œuvre sur le chantier est extrêmement rapide. « Pour une maison de 150 m2 nous sommes capables de réaliser un niveau par jour, soit une livraison en quatre mois. La pose des panneaux de toiture autoportants prêts à recevoir tous types de couvertures se fait en une journée », précise Nicolas Regnier. Pour l’acquéreur c’est moins d’intérêts intercalaires et de loyers à payer

 


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