Construire une maison en paille

Il n’y a pas que les petits cochons qui font construire leur maison en paille. Les amateurs d’autoconstruction ont trouvé dans ce matériau écologique leur nouvel eldorado. Et grâce à ses excellentes qualités isolantes, la botte séduit désormais les professionnels. Gros plan sur un marché d’avenir.

© Vignon/Bati-Nature

Vous êtes tenté par la construction d’une maison en paille ? Mais vous ne savez pas du tout comment vous y prendre ? Pour vous aider on a interrogé Maël Steck, gérant de Bâtinature et administrateur du Réseau français de la construction paille.

Un peu d’histoire

Tout a commencé à la fin du XIXe siècle. Le Nebraska, Etat central des Etats-Unis, accueille l’une des plus veilles maisons jamais réalisée en paille. Les bottes ont été enduites de terre et utilisées comme des briques pour réaliser cette demeure. « C’est le manque de ressources qui les avait poussés à opter pour cette technique. Mais sans le savoir, ils ont mis au point un nouveau principe constructif qui allait prouver son efficacité. Puisque aujourd’hui, certaines de ces maisons en sont encore debout ! », explique Maël Steck.  En France, il faut attendre 1921 et la célèbre maison Feuillette, du nom de l’ingénieur des Ponts et Chaussée qui l’a conçue, pour que la paille commence à attirer l’attention. Cette demeure à ossature bois et isolation paille est iconique pour la filière. Le bâtiment situé à Montargis a fait la preuve de la performance de ce matériau. Il a d’ailleurs été racheté par le réseau Français de la construction paille qui l’a transformé en centre de formation et de ressources.

Les maisons paille sont confortables et performantes. www.bati-nature.fr © Vignon/Bati-Nature

L’ère de l’autoconstruction

Il faut attendre les années 80 et les mouvements écologiques pour que les constructions paille commencent à se généraliser. Pendant cette période, de nombreux particuliers se lancent dans l’aventure de l’autoconstruction. Ils avaient un objectif : réaliser un habitat plus respectueux de l’environnement. On assiste à la naissance des chantiers participatifs qui réunissent des passionnés. « C’est une époque charnière car c’est grâce à ces pionniers qu’on dispose aujourd’hui d’une documentation importante sur le matériau et sa mise en œuvre », souligne Maël Steck. En 2010, la filière se professionnalise avec la création du Réseau français de la construction. Mais c’est seulement depuis 2012 que les choses se sont accélérées avec la publication des premiers textes réglementaires encadrant la construction paille. Les assureurs et les professionnels ont rejoint le mouvement avec la réalisation de projets d’envergure comme la construction d’un lycée ou d’un immeuble de huit étages. Ces bâtiments sont aujourd’hui la preuve que la filière est solide et efficace.

Assurance et CCMI

Pendant longtemps, l’assurance décennale ne couvrait pas les maisons réalisées en paille, ce qui freinait leur développement. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il faut tout de même respecter certaines conditions pour en bénéficier. Les artisans et les architectes doivent être formés aux spécificités de ce matériau. Ils devront avoir suivi la formation Pro Paille et avoir obtenu un diplôme. « C’est la seule formation reconnue par les assureurs », note Maël Steck. Pour trouver des artisans, il faudra consulter les annuaires professionnels. Ils sont accessibles désormais sur toute la France. Ces projets professionnels peuvent même être menés dans le cadre du contrat de construction de maison individuelle (CCMI). Ce sésame reste l’outil légal le plus recommandé quand on fait construire sa maison.

Les modes constructifs se professionnalisent. © Bati-Nature

Modes constructifs

« Il existe une douzaine de techniques différentes référencées. Mais elles ne sont pas toutes adaptées à la construction professionnelle », assure Maël Steck. La paille utilisée comme matériau porteur par exemple n’est pas un système constructif encadré. Le Greb* a remporté un franc succès sur les chantiers des autoconstructeurs et on dispose d'une documentation précise sur cette méthode. Mais en France, la technique n’est pas encore réglementée. Les charpentiers optent le plus souvent pour la paille en remplissage. Il s’agit de l’insertion de bottes de paille dans une ossature bois. La paille sert ici d’isolant et de support d’enduit. Cela facilite grandement la suite du chantier. On peut donc le faire seul ou avec un professionnel, ce qui rassure le banquier et facilite l’obtention d’un prêt pour financer votre projet. Enfin, les caissons de paille qui sont préfabriqués en atelier et assemblés sur le chantier constituent une solution intéressante. Non porteurs, ils serviront d’isolant à la structure sur laquelle ils sont posés. D’ailleurs, le procédé a pris de l’ampleur ces dernières années.

Exemple d'une isolation en remplissage dans une ossature bois. C'est la terre locale qui sert à réaliser l'enduit, à laquelle sont ajoutés de la farine et du crottin de cheval. © www.lamaisonenpaille.com

De nombreux avantages

La paille est un matériau naturel et particulièrement performant. Les maisons en paille dépassent largement et facilement les normes de la RT 2012 et se rapprochent plutôt du standard beaucoup plus élevé des constructions passives. Et comme c’est un matériau constitué de déchets agricoles, son empreinte carbone est en plus assez faible. « D’autant que la paille retient également le carbone dans ses fibres. C’est ainsi le seul isolant dont l’impact est entièrement neutre en terme d’empreinte carbone », détaille Maël Steck. Concernant la qualité de l’air, la paille est classée A + et elle est entièrement biodégradable. Mais ce qui est peut-être le plus intéressant reste sa densité. Elle est deux fois plus dense que les autres matériaux isolants. Le confort d’été, qui est devenu une véritable problématique aujourd’hui, sera meilleur car un mur dense dispose d’un excellent déphasage. Enfin la paille retient l’humidité pour autant les murs sont respirants et ils résistent donc parfaitement bien à la condensation. Et grâce à sa densité, ce matériau affiche une excellente pérennité et ne s’affaisse pas.

Faire construire une maison paille, c'est un choix éthique. © Vignon/Bati-Nature

Le prix de la maison paille

Il est difficile de répondre à cette question tant il existe une diversité de bâtiments et de manières de les construire. A la base, la paille est un produit brut et peu onéreux mais sa transformation fait grimper la facture. Le plus souvent, comme ce sont des maisons performantes, on y rajoute en plus des équipements en adéquation avec cette philosophie éthique : ventilation double flux, puits canadien, enduit terre, triple vitrage… Au final, les maisons en paille sont donc plus chères que les constructions traditionnelles. « Il faut compter entre 1 500 et 4 500 €/m².  Mais je pense pour autant que c’est un choix écologique qui correspond à ce que beaucoup de personnes, soucieuses de vivre mieux, recherchent », conclut Maël Steck.

*Le Greb associe une double ossature externe avec un mur continu fait de bottes de paille et d'un mortier d’enduit.


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