Archéologie préventive et permis de construire

Laurence Mertz
Mis à jour par
le 11 février 2020
Journaliste chez PAP.fr

Peu d’acquéreurs de maison individuelle savent que les Services régionaux de l’archéologie doivent donner leur feu vert avant que le permis de construire soit accordé. Ou que le chantier peut être fortement retardé si des fouilles archéologiques préventives sont ordonnées. Explications.

© Nicolas Ménez, Inrap

Depuis 2001 une loi encadre l’archéologie préventive. Son objectif ? Sauvegarder des vestiges qui seraient détruits à la suite de travaux d’aménagement du territoire. Cette loi concerne par exemple les voies de communication, les centres commerciaux, les lotissements mais aussi tous ceux qui font construire leur résidence principale ou secondaire, ou même leur piscine.

Cruche à vin grecque provenant d'une tombe princière du Ve siècle avant notre ère. Elle a été découverte dans un complexe funéraire exceptionnel, à Lavau (Aube). © Denis Gliksman, Inrap

Comment ça marche ? Les archéologues du Service régional de l'archéologie (Sra) qui dépendent des Directions régionales des Affaires culturelles (Drac) définissent par arrêt des zones dans les secteurs réputés sensibles. « Sur l’ensemble du territoire, 12% des projets d’aménagement du territoire donnent lieu à un diagnostic archéologique. Ce dernier est réalisé soit par l’Inrap, soit par des services de collectivité publique agréés tels que les départements », précise Laurent Vaxelaire, directeur scientifique adjoint en charge de l'opérationnel, à l’Institut national de recherches archéologiques préventives.

L’info en plus : les diagnostics archéologiques durent en moyenne un trimestre.

Tranchées de sondages archéologiques réalisées dans le cadre d'un projet d'aménagement à Pacé (Ille-et-Vilaine), 2007. L'enlèvement de la terre végétale sur 5 à 10 % de la surface concernée permet de localiser la présence de sites archéologiques menacés de destruction. © Hervé Paitier, Inrap

En quoi les particuliers sont-ils concernés ? Chaque permis de construire déposé passe entre les mains du Sra. Certes les archéologues ne demandent qu’exceptionnellement des diagnostics, et encore plus rarement des fouilles. Pourtant c’est une éventualité dont doivent tenir compte ceux qui veulent faire construire une maison individuelle. Pourquoi ? Parce que le diagnostic risque de leur faire perdre du temps. Or, pendant cette période, ils devront régler leur prêt relais. « Il faut cependant dédramatiser : il y a vraiment très peu de chances que le diagnostic soit suivi de fouilles », relativise Laurent Vaxelaire. Le plus souvent, il ne révèle rien ou les vestiges sont jugés sans intérêt ou en mauvais état de conservation. « Il faut que les vestiges présentent un intérêt archéologique particulier pour que des fouilles archéologiques préventives soient lancées. C’est une mesure extrême », souligne Laurent Vaxelaire.

L’info en plus : sur les 12% de prescription de diagnostic, 15 % de fouilles sont réalisées. Statistiquement, les terrains destinés à la construction de maisons individuelles ne sont pratiquement jamais concernés.

Diagnostics archéologiques à Marquion (Pas-de-Calais), sur le canal Seine-Nord Europe, 2009. © Denis Gliksman, Inrap

Et en cas de fouilles ? La durée des fouilles archéologiques préventives varie selon l’intérêt des vestiges, la surface de fouille, leur profondeur… Et même si généralement chez les particuliers ce ne sont pas des surfaces importantes, elles peuvent durer plusieurs mois. « Il n’y a pas d’obligation précise, c’est au cas par cas », explique Laurent Vaxelaire. La durée maximale des fouilles ?  Un an. Pour les maîtres d’ouvrage, cela peut donc se traduire par une perte financière importante.

L’info en plus : ce n’est qu’une fois la fouille terminée que les propriétaires peuvent faire construire.

Réalisation et relevé d'une coupe stratigraphique à proximité des ossements du mammouth, Changis-sur-Marne (Seine-et-Marne), 2012. © Denis Gliksman, Inrap

Qui paye ? Les particuliers qui font construire leur résidence principale n’ont rien à payer lors des diagnostics ou lors des fouilles.  Ils sont totalement exemptés. Le coût est réglé par un fond abondé par les aménageurs non exonérés. « Tout est pris en charge. Et c’est heureux car des fouilles peuvent devenir très chères. Leur prix peut dépasser la valeur de la maison », fait remarquer Laurent Vaxelaire. Mais attention : ce n’est pas le cas s’il s’agit d’une résidence secondaire ou d’une piscine.

L’info en plus : la redevance d’archéologie préventive est d’environ 53 centimes d’euro par mètre carré.

Fragment de stuc découvert à Entrains-sur-Nohain (Bourgogne). Un visage apparaît au milieu de la gangue de terre. © Antoine Morfaux , Inrap

Un exemple ? A Solutré, des fouilles sur un site archéologique d’intérêt majeur ont duré de juin 2015 à mars 2016, ce qui peut être considéré comme une fouille longue. « Bien évidemment les archéologues sont conscients des problèmes posés aux particuliers et travaillent aussi rapidement que possible », rassure Laurent Vaxelaire. La fouille a été effectuée sur un ancien campement magdalénien moyen datant d’environ 17000 – 14000 avant notre ère. Elle ne s’étendait que sur une surface de 40 m2 mais elle a pris du temps, beaucoup plus que n’en aurait nécessité une fouille sur un site historique.

Vue d'ensemble de la nécropole du Causse près de Castres (Tarn). Les fouilles ont révélé des tombes à incinération et à inhumation datées de l'âge du Bronze. © Stéphane Pons, Inrap

Quel est l’intérêt de ces fouilles ? Ces vestiges présentent un grand intérêt scientifique pour l’histoire de notre pays. « Ils sont étudiés par l’opérateur avant d’être déposés dans un centre régional de conservation et d’étude. Les plus remarquables seront remis aux musées », déclare Laurent Vaxelaire.

Peut-on garder les objets mis à jour ? Non. Depuis juillet 2016, les objets mobilisés, c’est-à-dire que l’on peut prélever, sont intégralement la propriété de l’Etat. Mais les objets trouvés n’ont quasiment jamais de valeur marchande : ce sont souvent des objets de la vie quotidienne. Les tombeaux ont la plupart du temps été pillés. Une découverte comme celle de la tombe princière celte de Lavau, dans l’Aube, en 2015, reste exceptionnelle.

L’info en plus : la destruction de vestiges archéologiques est une infraction à la loi et entraîne des poursuites judiciaires (art. 322-3-1 du Code pénal).

Le conseil ? Vérifiez attentivement les zones à risques indiquées dans les Plans d’occupation des sols. De plus, avant de vous porter acquéreur d’un terrain, soyez prudent et renseignez-vous auprès de la Sra/Drac de votre région.  « Car aucun département n’est exclu, l’ensemble du territoire national est concerné », met en garde Laurent Vaxelaire.

L’info en plus : si l’acquisition en est au stade du compromis de vente et que le diagnostic doit être suivi de fouilles, la vente peut être annulée.

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