RE 2020 : refroidissement ou climatisation, est-ce possible ?

Manuel Apruzzese
Mis à jour par
le 4 août 2022
Journaliste chez PAP.fr

Le confort d’été fait désormais partie des préoccupations de la nouvelle RE 2020. Sous certaines conditions, il est possible de rafraîchir voire de climatiser les maisons pour passer un été au frais.

Trop chaud dans la maison ? Tout commence par des protections passives. Et si ça ne suffit pas, le refroidissement ou la climatisation sont envisageables. A la seule condition que la maison soit acceptée par le moteur de calcul thermique. www.panasonic.fr © Panasonic

Si les apports solaires restent bénéfiques en hiver, l'été, ils peuvent provoquer des surchauffes. Cet inconfort demeure un défaut souvent relevé dans les maisons bâties selon l’ancienne Réglementation thermique 2012. La nouvelle réglementation environnementale 2020 (RE 2020), en vigueur depuis janvier 2022, corrige le tir en intégrant la notion de confort d’été.« La RE 2020 est une avancée positive, car de nombreuses maisons RT 2012 se révèlent vite inconfortables l’été », confirme Gaétan Maudet, chef de produit chez Toshiba. « Avec des surchauffes de plus en plus précoces, il y a une vraie demande en matière de rafraîchissement. Mais ce n’est pas simple, car la RE 2020 n’autorise pas toutes les solutions… », ajoute Nicolas Bourgeon, directeur technique des Demeures Caladoises, un constructeur de la régoin Rhône-Alpes.

Confort d'été : que dit la RE 2020 ?

La RE 2020 considère qu’un bâtiment devient inconfortable lorsque sa température intérieure dépasse le seuil de 28 °C le jour et de 26 °C la nuit. Le texte introduit dans le moteur de calcul (le logiciel de la RE 2020) le comportement estival des maisons avec les degrés heures d’inconfort (DH). Il s’agit d’une simulation intégrant le fichier des statistiques météo dont dépend le projet de construction, avec des séquences caniculaires et une utilisation renforcée des protections solaires.

Si les DH de la maison sont trop élevés et supérieurs au seuil maximal (1 250 DH), le projet ne répond pas à la RE 2020 et ne pourra tout simplement pas voir le jour. Le bureau d’études doit alors refaire tous ses calculs pour que la maison reste dans les clous. Si les DH sont conformes et inférieurs au seuil bas (350 DH), pas de problème, le projet de maison est validé sur son aspect confort d’été. L’usage d’une climatisation n’est pas nécessaire.

Si les DH sont compris entre les deux seuils hauts et bas (350 et 1 250), le confort d’été est respecté, mais il y a un risque d’inconfort. La pose d’un système de rafraîchissement est alors envisageable. Mais attention : cette installation va consommer de l'énergie alors que la RE 2020 impose des plafonds de consommation à ne pas dépasser. « La réglementation prévoit une pénalisation, avec une application de consommations forfaitaires liées à l’éventuelle installation d’une climatisation », explique Lara Laugar, cheffe de projet énergie et environnement chez Senova. « Cette valeur forfaitaire de consommation est proportionnelle à la valeur de DH. En clair, plus la valeur DH est basse, moins la valeur forfaitaire sera élevée. » Et plus la conformité de la maison à la RE 2020 sera facile à atteindre sans dépasser les plafonds de consommation. Le législateur applique cette valeur forfaitaire de refroidissement parce qu’il fait l’hypothèse qu’un équipement de refroidissement peut être installé après coup. Ce qui n'est pas bon pour l''environnement et la consommation d'énergie.

© Gilles Galoyer Studio JamaisVu ! - Toshiba

Conception bioclimatique et fraîcheur dans la maison

La RE 2020 encourage d’abord toutes les solutions techniques passives minimisant les surchauffes estivales. « Le législateur n’est globalement pas favorable au refroidissement et encore moins à la climatisation. Il préfère les solutions qui évitent les surconsommations.d'énergie  » explique Nicolas Bourgeon. Avant d’envisager la climatisation ou le rafraîchissement, le maître d’œuvre doit insister sur la conception bioclimatique. La volumétrie sera compacte, car dans ce cas il y a moins de superficie à chauffer ou à refroidir. L'orientation sera étudiée pour optimiser les apports naturels, l'idéal étant que les fenêtres eu autres baies vitrées suivent la course du soleil. Des casquettes, brise-soleils ou débord de toiture limiteront l'impact des rayons solaires en été. Plus efficace encore : des volets roulants automatisés se fermeront dès que la chaleur commencera à monter.

Mais si ça ne suffit pas ou à la demande expresse de l’acquéreur, climatisation ou rafraîchissement sont envisageables, au prix d’une étude thermique plus poussée. Le besoin de froid étant désormais envisagé dans le calcul de besoin énergétique du bâtiment (Bbio), il faudra intégrer les éventuelles surconsommations liées au refroidissement et les compenser. Rappelons que la climatisation et le rafraîchissement consomment de l'énergie et que cette même consommation ne doit pas dépasser les plafonds fixés par la RE 2020.

Comment optimiser la maison pour un meilleur confort d'été ? On renforcera notamment l'isolation, l'étanchéité et l'on optimisera la conception bioclimatique. En paroi sud, par exemple, des vitrages à contrôle solaire pourront être posés (ils empêchent la chaleur de rentrer, pas la lumière). Tout n’est alors qu’un savant dosage entre les mesures techniques compensatoires mises en œuvre pour respecter les plafonds de consommation fixés par la RE 2020 et les surconsommations potentielles.

Rafraîchissement ou climatisation ?

Deux options techniques sont envisageables pour améliorer le confort d’été de la maison : le rafraîchissement ou la climatisation. Mais attention, ce n’est pas la même chose ! Rafraîchir consiste à abaisser naturellement la température d’une pièce. Ce n’est possible qu’avec une pompe à chaleur (PAC)  air/eau réversible.

L’alternative au rafraîchissement, c’est la climatisation assurée par une pompe à chaleur air/air. C’est un refroidissement actif qui consiste à modifier, contrôler, réguler la température, l’humidité et le niveau de poussière… Une climatisation permet d’abaisser rapidement la température d’une pièce de 6 à 7 °C. Néanmoins, il est conseillé de ne pas créer une différence supérieure à 7 °C entre l’intérieur et l’extérieur.

Rafraîchir en douceur

Selon le baromètre Domexpo, plus de 80 % des maisons neuves sont aujourd’hui équipées d’une pompe à chaleur. Elles séduisent de plus en plus de foyers, notamment du fait de leur fonctionnement qui utilise une source d’énergie gratuite et inépuisable : l’air ! De quoi faire des économies d’énergie tout en respectant l’environnement. Pour un budget compris entre 10 000 et 15 000 €, cette PAC combine tous les avantages du chauffage basse température par le sol l’hiver et refroidit les pièces de 3 à 5 °C l’été. Comment ? Tout simplement en inversant son cycle thermodynamique, la température de l’eau du circuit descend autour de 15 à 20 °C .

Si l’abaissement de température n’est pas aussi net et rapide qu’avec une PAC air/air, il est suffisant pour ressentir une agréable sensation de fraîcheur. L’eau du plancher circule en boucle et lorsqu’elle passe dans l’échangeur, elle évacue les calories à l’extérieur : une température largement suffisante pour passer un été au frais dans son salon. Moins performant qu’une climatisation, le plancher rafraîchissant possède néanmoins quelques atouts. Il n’émet aucun bruit puisque ce n'est que de l’eau froide qui circule dans le réseau de chauffage. Et il est moins pénalisant dans le moteur de calcul que la climatisation.

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Climatiser rapidement

Oubliez les a priori sur la climatisation ! Elles n’ont plus rien à voir avec les modèles d’antan. Elles sont économes, performantes et design. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si on les appelle désormais pompes à chaleur air/air ! Contrairement aux PAC air/eau, il ne s’agit pas d’un circuit d’eau qui diffuse le chaud et le froid, mais d’un circuit d’air.

À rebours de  quelques idées reçues, la climatisation n’insuffle pas d’air frais dans une pièce, mais absorbe la chaleur pour l’évacuer à l’extérieur. L’installation se compose d'une unité intérieure (l'évaporateur) et d'une unité extérieure (le condenseur). Un fluide réfrigérant traverse les unités intérieures pour absorber l'excès de chaleur présent dans la pièce. Il passe alors à l'état gazeux et est transporté vers l'unité extérieure par l'intermédiaire d'étroits tubes de cuivre pour décharger la chaleur accumulée dans l'atmosphère. Le réfrigérant redevient ainsi liquide et est réacheminé vers l'unité intérieure pour recommencer le même cycle, et ce, jusqu'à l'obtention de la température désirée.

Dans les installations les plus élaborées, le réseau de gaines peut être dissimulé dans les combles perdus ou dans un faux plafond. Elles distribuent alors l’air froid dans toutes les pièces avec une température de consigne pour chacune d’elle. C'est une solution d’abord recherchée pour sa discrétion. Seules des grilles de diffusion trahissent sa présence.

Quelle température intérieure ?

Attention, climatiser sa maison ne signifie pas non plus la transformer en glacière. Régler en permanence la température de son climatiseur entre 22 et 24° est une erreur sanitaire et énergétique ! Il faut l’adapter à la température du jour. Durant les périodes de canicule, lorsqu’il fait 35°, il faut accepter de monter sa climatisation à 27-28 °C. Médecins et thermiciens considèrent qu’une différence de 7° entre la température extérieure (prise à l’ombre) et la température intérieure est un bon compromis. Au-delà de 7-8 °C d’écart avec l’extérieur, on ressent de l’inconfort, avec des sensations de « douche froide » quand on passe de l’extérieur à l’intérieur. Et un degré de température en plus l’été dans la maison représente potentiellement 4 à 5 % d’économies.

Monosplit ou multisplit ?

Vous ne souhaitez rafraîchir que le salon ? Une climatisation monosplit (une unité intérieure), voire bi-split (deux unités intérieures) feront parfaitement l’affaire. « Les solutions splits sont les moins chères. Elles s’adressent plutôt aux primo-accédants qui font construire des maisons simples et compactes », précise Nicolas Bourgeon. Les modèles d’une puissance de à 2,5 kW bien classés (A++) coûtent autour de 1 300 €. Enfin, il faut compter entre 1 500 et plus de 4 000 € pour les modèles plus performants disposant des dernières innovations comme le détecteur de mouvement, le purificateur d’air ou le modulateur de température.

Attention, selon le niveau de gamme, le climatiseur peut se révéler plus ou moins bruyant selon sa puissance et selon son niveau de gamme. À l’instar des aspirateurs de maisons, il existe des modèles de climatiseurs silencieux (qui produisent moins de 30 dB), voire ultrasilencieux. Une qualité qui a des conséquences directes sur le prix.

Reste l’épineuse question de l’intégration de la climatisation dans le moteur de calcul de la RE 2020. Mais rien d’insurmontable selon Nicolas Bourgeon. « On arrive à faire passer les splits dans le moteur de calcul dans les maisons compactes, à condition que les pièces de nuit, qui sont généralement chauffées par un appoint électrique, n’occupent pas plus de 45 % de la surface totale de la maison. Au-delà, ça passe plus difficilement. Notamment dans les maisons plus grandes avec une architecture moins compacte et plus travaillée. » Il faut donc choisir un matériel énergétiquement très bien classé, A +++ ou A++ dans les modes chaud et froid.

Si vous optez pour plusieurs unités, on parle alors de multisplits. Côté esthétique, il est possible de mixer les unités intérieures entre consoles dans le salon et splits muraux dans les chambres. La solution gainable joue la carte de la discrétion. Les gaines passent dans les combles ou des faux plafonds. Seules les grilles de diffusion d’air trahissent sa présence. Pour un groupe extérieur de 5/6 kW et trois unités intérieures, comptez environ 5 000 €. 

Comment adapter la maison ?

Pour rentrer dans les « clous » réglementaires de la RE 2020, il faut compenser les surconsommations d'énergie liées au rafraîchissement ou à la climatisation en réduisant ici et là celles des autres usages, comme l'éclairage ou le chauffage. « Le rafraîchissement n’est pas valorisé dans la RE 2020. Notre objectif initial est déjà de pouvoir faire passer la maison en mode chaud dans le moteur de calcul. Ce qui n’est pas simple. Si un client souhaite un système de rafraîchissement, une étude thermique spécifique doit être réalisée avec à la clef des exigences supplémentaires en matière d’isolation », prévient Nicolas Bourgeon. Et d’ajouter : « La conception de la maison est essentielle pour minimiser l’ajout d’une climatisation. Nous jouons sur le choix des isolants et le type d’équipements installés comme des brise-soleil orientables plus efficaces que des volets roulants ».  L’objectif est de gagner quelques points dans le moteur calcul…

La pose de panneaux photovoltaïques et un peu d’intelligence artificielle peut apporter une réponse. Ce que confirme Krasimir Yordanov, responsable du Marché solaire chez Terreal. « Le degré heure d’inconfort est une contrainte forte dans la nouvelle RE 2020. Et la consommation de froid est comptabilisée dans le moteur de calcul. En outre, le constructeur doit déclarer l’éventuelle installation de la climatisation. Mais la bonne nouvelle, c’est que cette consommation peut être compensée par une production électrique d’origine photovoltaïque. Toutes nos simulations autorisent la climatisation avec une surface de panneaux photovoltaïques bien dimensionnée. »

Le travail préalable du bureau d'études va être de concevoir une maison agréable à vivre l'été. Les protections passives seront d'abord envisagées avant de passer à des systèmes actifs. www.renson.eu © Renson

SEER : calculer le froid

SEER pour Seasonal efficiency energy ratio ou coefficient d'efficacité frigorifique énergétique en français. À l'inverse du SCOP, qui indique le coefficient saisonnier de performance pour le chauffage, le SEER représente l'efficacité frigorifique saisonnière. Le ratio d'efficacité énergétique est calculé pour chaque système de climatisation (réversible, mural, monobloc…) et permet de déterminer la classe énergétique de chacun, de A+++ à B (au-delà de la classe énergétique B, les climatiseurs ne peuvent être commercialisés). Plus le SEER du climatiseur est élevé, moins l'appareil sera énergivore. À noter que le SEER est généralement compris entre 8 et 19,5.


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