Assurance dommages-ouvrage, assurance décennale : comment ça marche ?

Manuel Apruzzese
Publié par
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Journaliste chez PAP.fr

L'assurance dommages-ouvrage (DO) et l'assurance décennale couvrent votre maison neuve pendant dix ans. Elles couvriront les dommages sans attendre les décisions de justice.

La garantie décennale et la l'assurance-dommage couvrent les sinistres affectant la structure de la maison. © Arletta Cwalina EyeEm/ Getty Images

Les maisons neuves sont toutes garanties dix ans contre les dommages importants (fissures ou lézardes des murs, affaissement de plancher, effondrement de toiture, infiltrations d'eau, défauts d'isolation thermique des murs...) qui peuvent affecter leur structure et compromettent leur habitabilité. C'est la loi !

Pour couvrir ce risque, le constructeur doit obligatoirement souscrire une garantie décennale. De son côté l'acquéreur, qui est le maître d'ouvrage, doit souscrire de son côté une assurance obligatoire appelée dommages-ouvrage. Et ce quel que soit le cadre juridique de son projet de construction. Cette assurance le protégera en cas de défauts qui ne sont pas couverts par la garantie décennale du constructeur. Ces assurances le protégeront pendant dix ans.

Que dit la loi ?

L'assurance décennale et l'assurance dommages-ouvrage ont été instituées par loi n°78-12 du 4 janvier, dite loi Spinetta. Les dégâts couverts par l'assurance sont ceux qui altèrent la résistance de la maison ou qui l'interdisent pour son usage prévu (par exemple, une fissure dans le sol qui provoque une irrégularité du plancher, une absence d'imperméabilisation, etc.). Ils incluent également les dommages qui nuisent à la solidité d'un équipement faisant partie intégrante de la construction (comme un système électrique défaillant).

À quoi ça sert ?

Cette assurance vise à couvrir les frais de réparation des dommages sans chercher à établir la responsabilité. Elle prend en charge les coûts de remise en état de la maison, même si le constructeur a disparu pendant les dix ans de couverture ou avant son intervention. Les deux compagnies d'assurances doivent ensuite convenir de leur part de responsabilité. Cette loi oblige le maître d’ouvrage (l'acquéreur) qui souhaite effectuer des travaux de construction à souscrire une assurance dommages-ouvrage avant l’ouverture du chantier. Celle-ci permet de réparer rapidement, en dehors de toute recherche de responsabilité, des malfaçons constatées une fois la maison ou l’immeuble construit, qui menacent leur solidité ou les rendent impropres à leur destination (inhabitables...).

Faire construire votre maison

Les constructeurs doivent s’assurer !

« Le régime de l’assurance construction est régi par la loi Spinetta de 1978 », précise Siegfried Bréguez, responsable du département des risques professionnels/garantie décennale chez Solli Azar, courtier en assurances. Et d'ajouter : « Tout intervenant à l’acte de construire, qu’il soit profession d’exécution (poseur) ou profession dite intellectuelle du bâtiment (architectes, maîtres d’œuvre), est soumis à l’obligation d’assurance ». L'assurance prend effet le jour de la remise des clés après la signature du procès-verbal, tandis que la souscription elle-même doit intervenir avant le début des travaux. Elle garantit les travaux ayant fait l'objet d'une ouverture de chantier pendant la période de validité du contrat.

La dommages-ouvrage ainsi que l'assurance décennale sont obligatoires quel que soit le cadre juridique du projet. © Westend61/Getty Images

Champs d'application

« La garantie décennale couvre notamment les malfaçons qui n'étaient pas identifiables lors de la réception des travaux ou qui n'ont pas été mentionnées sur le procès-verbal. Ces malfaçons devront rendre l’ouvrage impropre à sa destination/usage, ou atteindre sa solidité pour que la garantie soit acquise.  », ajoute Siegfried Bréguez. Seuls les travaux déclarés dans le contrat d'assurance du constructeur sont couverts. Comme ne manque de souligner Siegfried Bréguez, « il est vivement recommandé avant de s'engager et de signer un contrat de construction de requérir les attestations d'assurance des différents intervenants auprès du constructeur. Les différents devis des intervenants iintégrerontcette garantie de 10 ans ». L'assurance décennale des constructeurs couvre les dommages touchant les éléments suivants :

  • ouvrages de fondation et d'ossature ;
  • ouvrages de viabilité (réseaux, assainissement) ;
  • voirie (chemin d'accès) ;
  • ouvrage avec fondations (véranda, terrasse, piscine enterrée...) ;
  • éléments d'équipement indissociables du bâtiment (canalisation, plafond, planchers, chauffage central, huisseries, installation électrique encastrée...).
  • Dommages-ouvrage, décennale : quelles différences ?

La différence entre ces deux assurances réside dans la nature du souscripteur. Les professionnels qui interviennent sur le chantier doivent justifier d'une assurance de responsabilité civile décennale. Le maître d'œuvre étant responsable des désordres qui affectent la solidité de l'ouvrage et le rendent inhabitable ou impropre à l'usage auquel il est destiné.

Il est responsable aussi des malfaçons qui compromettent la solidité des équipements indissociables des ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos et de couvert. L’article L. 241-1 du Code des assurances précise que « toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1 792 et suivants du Code civil, doit être couverte par une assurance ».

Parallèlement, les particuliers (les maîtres d'ouvrage) ont de leur côté l'obligation de souscrire une assurance dommages-ouvrage. En effet, selon l'article L. 242-1 du Code des assurances, « toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du Code civil ».

Combien coûtent ces assurances ?

Ces assurances ont un coût. « Le prix de la décennale est intégré dans le prix de vente de la maison », précise Siegfried Bréguez. Pour la décennale, différents éléments entrent dans la tarification de la prime d'assurance. Mais schématiquement, son montant est calculé en appliquant un taux proportionnel, entre 0,8 et 12 % du coût global de la maison. Il y a une prime minimale incompressible qui varie selon les assureurs de 2 000 à 3 000 €.

Le tarif moyen d'une assurance dommages-ouvrage tourne autour de 3 800 €. Le particulier qui la souscrit pour son propre compte se verra appliquer un tarif équivalent à 7 ou 8 % du prix de la maison. Mais il existe un moyen de réduire la facture : passer par les constructeurs. Ils sont en effet très nombreux à inclure la dommages-ouvrage dans leur Contrat de construction d'une maison individuelle (CCMI). Dans ce cas, le coût varie de 2 à 3 % du prix de la maison.

Pour réduire les coûts, il est aussi possible de demander à un bureau d’études compétent de mener une étude du sol préventive de type G2 AVP. Cette analyse permet de déterminer la nature du sous-sol et donc le type de fondations qui convient. Les assureurs en dommages-ouvrage se montrent rassurés par cette démarche, et offrent alors une remise importante sur les cotisations. En effet, le risque de sinistralité lié à la géologie du sol est ainsi réduit au minimum.

Quels sont les risques couverts ?

L'assurance dommages-ouvrage couvre pendant la durée de la garantie décennale du constructeur tous les dommages physiques compromettant la solidité de la maison, y compris ceux provenant d'un vice du sol. Elle prend en charge les fissures importantes des murs, un affaissement de plancher, un effondrement de toiture, des infiltrations d’eau par une fissure de la façade ou par la toiture, des défauts d’isolation thermique des murs...

Sont également concernés les dommages affectant la solidité des éléments d’équipement qui ne peuvent pas être dissociés de l’ouvrage. Les biens d’équipement indissociables sont ceux dont la dépose, le démontage ou le remplacement ne peut s’effectuer sans abîmer ou enlever une partie de l’ouvrage fondamental qui leur sert de support.

En revanche, la dommages-ouvrage ne couvre pas les parties mobiles comme les portes et les fenêtres. Elle ne s’applique pas non plus aux dommages causés par l’assuré ni à une usure normale, un incendie ou un risque naturel (tempête, inondation...). Elle peut, mais en option, s’appliquer aux dommages immatériels subis par le propriétaire ou ses occupants (préjudice dû à la perte de la jouissance de la maison, par exemple).

Comment fonctionne la dommages-ouvrage ?

Un sinistre apparaît sur la maison, une fissure sur la façade, des infiltrations ? Tout commence par une déclaration de sinistre auprès de l'assureur. La garantie dommages-ouvrage entre en vigueur à compter de la réception des travaux et cela pour une durée de dix ans. Lorsqu'un désordre matériel est constaté, affectant l'ouvrage édifié, l'assuré est tenu d'en faire déclaration à l'assureur. La mise en œuvre de la garantie se fait à travers une procédure amiable, mais très formaliste. La déclaration doit se faire par courrier recommandé avec avis de réception et contenir les informations suivantes :

  • le numéro du contrat d’assurance ;
  • le nom du propriétaire et l’adresse de la construction endommagée ;
  • la date de la réception ;
  • la date d’apparition des dommages ainsi que leur description et localisation ;
  • la copie de la mise en demeure effectuée au titre de la garantie de parfait achèvement si la déclaration est effectuée pendant l’année qui suit la réception des travaux.

À partir de la date de réception de la déclaration de sinistre, l'assurance dispose de quatre-vingt-dix jours maximum pour régler le problème.

Quels délais d'instruction ?

L'objectif de l'assurance dommages-ouvrage étant de permettre une indemnisation efficace et rapide, la procédure d'instruction des sinistres repose sur une succession de délais impératifs pour l'assureur. À J + 10, en l’absence de contestation de l'assureur, la déclaration est réputée constituée. À J + 15, l’assureur peut faire une offre d'indemnités si le dommage est inférieur à 1 800 € ou refuser sa garantie s'il estime que la mise en jeu est manifestement injustifiée. À J + 60 il doit avoir désigné un expert, reçu le rapport et notifié sa position. À J + 90, si la garantie est acquise, l'assureur doit présenter une offre d'indemnité. Si l'offre est acceptée, il est tenu de régler dans les quinze jours suivant l'acceptation. En cas de manquement à l'un de ces délais, la garantie est acquise et les sommes dues en exécution sont augmentées du double du taux d'intérêt légal.

Pour la décennale, en théorie, la mise en œuvre est assez simple. La loi oblige le maître d'œuvre à transmettre la déclaration à son assurance dans un délai de cinq jours. Cette dernière mandatera alors un expert pour évaluer l'ampleur du sinistre. Il devra présenter son rapport d'expertise dans un délai de trois mois. Pour les cas complexes, ce délai peut être allongé à 135 jours. Et Siegried Bréguez d'ajouter « « En cas de divergence de vision quant au sinistre, il peut être opportun de faire appel à « un expert d’assuré », totalement indépendant de la compagnie d’assurance ». L'expert d'assuré est chargé de représenter et de défendre les intérêts du particulier face à l'expert de l'assurance.

Pas d'assurance, quels sont les risques ?

« Une entreprise du bâtiment ne possédant pas d'assurance décennale s'expose à des poursuites judiciaires et à une amende pouvant atteindre 75 000 € » signale Siegfried Bréguez. Mais de préciser, «Dans les faits les juges prononcent généralement des sanctions plus faibles. Les amendes sont en moyenne comprises entre 2 000 et 5 000 € et les peines d'emprisonnement sont prononcées avec un sursis ». Si la responsabilité du constructeur est engagée et qu'il n'est pas assuré, les réparations seront à ses frais ?

L’assurance dommages-ouvrage est obligatoire, quel que soit le cadre juridique du projet, comme le précisent les articles L 111-30 du Code de la construction et de l’habitation et l’article L 242-1 du Code des assurances. Son absence est sanctionnée par six mois d’emprisonnement et/ou 75 000 € d’amende. Mais les personnes physiques construisant un logement pour l’occuper elles-mêmes ou le faire occuper par leur conjoint, leurs ascendants, leurs descendants ou ceux de leur conjoint ne sont pas concernées par ces sanctions. Résultat : certains particuliers choisissent de ne pas souscrire la dommages-ouvrage pour réaliser des économies. Un pari risqué.

Et en cas de sinistre ?

Si un sinistre rentrant dans la garantie décennale survient, le particulier qui n'est pas couvert en dommages-ouvrage devra faire un recours auprès des assureurs des différentes entreprises ayant construit sa maison pour mettre en jeu leur assurance. Mais dans ce cas, l'indemnisation sera souvent longue à obtenir, aucun délai n'étant imposé aux assureurs en responsabilité décennale. Alors que l'assureur en dommages-ouvrage, lui, doit obligatoirement indemniser le particulier dans des délais précis. Si les entreprises fautives ont disparu, les choses sont encore plus simples (et plus dramatiques) : il n’y aura pas d’indemnisation.

Autre problème : la revente dans les dix ans qui suivent la réception. Si la maison n’a pas de dommages-ouvrage, ce sera au vendeur de prendre en charge financièrement les désordres. Or ces derniers, s’ils touchent les fondations, peuvent atteindre des dizaines de milliers d'euros. La solution ? Convaincre l’acheteur d’assumer le risque décennal. Ce qui passe par la réalisation d’une voire plusieurs expertises pour vérifier la solidité de la maison et surtout par une diminution du prix de vente qui peut aller jusqu’à 30 voire 40 %.

S'assurer plus tard

Certains assureurs proposent des dommages-ouvrage qui peuvent être souscrites dans les dix ans qui suivent la réception de la maison, après la construction. Le propriétaire devra remplir un dossier technique et fournir des documents relatifs à la maison. Si l’assureur estime le dossier assez solide, il dépêche un auditeur pour expertiser la maison. Si le risque est modéré, l’assurance dommages-ouvrage pourra être mise en place. Une fois couverte, la maison sera plus facile à revendre, le prix ne sera pas décoté… Et l’acquéreur aura davantage de chances de décrocher son prêt, les banques rechignant à financer les maisons dépourvues de dommages-ouvrage.

Cette attitude rigoureuse des banques vaut aussi pour le financement des projets de construction. Car sans dommages-ouvrage, le crédit a toutes les chances d’être refusé, le prêteur jugeant le projet trop risqué. Il ne faut jamais oublier que la maison sert de garantie au crédit immobilier. En présence d’impayés, le bien est revendu pour rembourser les sommes dues. En cas de revente dans les dix ans qui suivent la réception d’une maison dépourvue de dommages-ouvrage, une décote sur le prix de vente sera appliquée et le vendeur ne pourra pas solder son prêt. Or les banques veulent être assurées de recouvrer leur mise lorsqu’elles prêtent.

Dommages-ouvrage, résoudre un litige

Lorsqu'un sinistre survient, le maître d'ouvrage peut souvent être en désaccord avec les assureurs. Pour aider à régler les litiges, la Convention de règlement assurance construction (Crac) a été mise en place. Cette convention est un accord entre les compagnies d'assurances construction afin d'améliorer la collaboration entre l'assurance dommages-ouvrage et la responsabilité décennale. Un seul expert sera nommé par l'assureur dommages-ouvrage pour représenter tous les assureurs impliqués dans le sinistre. Ses conclusions permettront de déterminer les garanties applicables et d'estimer le montant des dommages à couvrir. La Crac permet aux assureurs de diminuer les coûts d'expertise et de résoudre de nombreuses disputes de façon amiable.

L'assureur de l'ouvrage endommagé va étudier le cas et avancer les charges requises pour indemniser les pertes encourues, couvrir les frais d'expertise, etc. Par la suite, il enverra une réclamation aux assureurs de responsabilité civile décennale des différents intervenants impliqués, une fois que leur responsabilité aura été confirmée. Ils pourront soit trouver un accord entre eux, soit appliquer le barème établi par la Crac.

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