Toitures : les dernières innovations

Laurence Mertz
Mis à jour par
le 15 septembre 2017
Journaliste chez PAP.fr

Les toitures d’aujourd’hui aiment les matériaux anciens mis au goût du jour. Les tuiles et les ardoises se font toujours plus belles et plus performantes.

Les toitures sont aussi anciennes que les premières habitations. Mais il n’est bien sûr plus question d’utiliser les peaux de mammouth comme il y a 40 000 ans en Sibérie. Les ingénieurs romains sont passés par là, et depuis les toits n’ont cessé de devenir plus techniques et plus protecteurs. A l’instar des matériaux de couverture. La terre cuite et l’ardoise innovent toujours, de même que la petite dernière venue sur le marché, la tuile béton.

Formes classiques et intemporelles pour cette tuile béton Finkerberger signée Nelskamp. www.nelskamp.de © Nelskamp

Une toiture en terre cuite

Les industriels ont su renouveler l’univers de la tuile terre cuite. Les propositions sont extrêmement vastes, il y a une profusion de l’offre tant en  formes qu’en couleurs. Presque chaque toiture peut être différente. Elle correspondra à votre style, à votre imaginaire. Elle sera très contemporaine comme très patrimoniale, bref elle trouvera sa place dans tous les projets.

La tuile terre cuite sait s'adapter à tous les styles d'architecture. www.fftb.org © FFTB

Cinq questions à… Bernard Caron, animateur du groupe de travail marketing Tuile à à la Fédération française des tuiles et briques (FFTB).

Construiresamaison.com : les tuiles en terre cuite sont-elles encore appréciées par les acquéreurs de maisons individuelles ?
Bernard Caron : Bien sûr ! La terre cuite a une bonne image, pas forcément rationnelle : elle est considérée comme chaleureuse, naturelle, comme un produit dans lequel on peut avoir confiance. Résultat : à l’heure actuelle, 65% des maisons individuelles optent pour une couverture de toiture en tuiles terre cuite. C’est de loin la solution la plus plébiscitée mais il est indispensable de faire évoluer l’offre et de renouveler le produit.

 Quelles sont les innovations qui ont permis de faire évoluer ce produit ces dernières années ?
En premier lieu, les couleurs. Notamment pour les architectures contemporaines avec des formes plates pour le Nord et des formes galbées pour le Sud. Il faut le rappeler, les tuiles terre cuite ne sont pas nécessairement rouges. C’est une tendance amorcée depuis longtemps mais qui s’est récemment traduite par de nouveaux coloris, proposés par tous les fabricants. Avec des produits radicalement monochromes : du noir mat, du gris, du brun chocolat/moka, du blanc pour le Sud… Au Nord, apparaissent des tuiles brillantes et glacées, le plus souvent noires mais aussi dans d’autres coloris.

 Y a-t-il des couleurs plus tendance que d’autres ?
Il y a maintenant des collections, presque comme pour la haute-couture ! Il n’y a pas encore deux collections par an mais la créativité est forte. Soit dans des tons très contemporains, soit dans des tons très anciens. L’idée ? Que chacun ait une tuile qui corresponde à son projet de maison, c’est-à-dire une tuile qui soit dans « l’esprit du lieu » mais qui soit différente de celle de la toiture voisine. Les propositions ne sont pas uniformes, la mixité des couleurs et des matériaux est de rigueur. Les industriels créent leurs produits en collaboration avec les architectes des Bâtiments de France, les constructeurs, les architectes qui apportent des idées intéressantes. L’ensemble du monde de la prescription doit approuver les produits, se l’approprier et l’intégrer dans leur catalogue. Des séries spéciales peuvent être conçues pour des constructeurs ou des architectes. Des couleurs dédiées leur sont proposées.

Pourquoi c’est important ?
Il s’agit d’un enjeu majeur parce qu’il est de la responsabilité des industriels de proposer des produits adaptés aux demeures contemporaines. Il y a un vrai élan du marché, ce n’est pas un produit réservé aux demeures haut de gamme. Les maisons de moyenne gamme se les approprient également. Dans les maisons d’architecte haut de gamme, la tuile pourra être émaillée. Les possibilités sont sinon infinies, du moins très ouvertes. Certains architectes vont ainsi proposer des mélanges de coloris, ou des transitions du clair vers le sombre.

La tuile en bardage est-elle en train de se développer ?
Oui. La tuile s’invite sur la façade, surtout celle d’aspect plat qui a beaucoup évolué ces dernières années. C’est un produit nouveau dans le domaine de l’architecture qui a été validé par l’ensemble de la profession. Ce produit très technique a été testé pour vérifier sa résistance à l’arrachement au vent et à la sismicité. Ces tuiles se posent en enveloppe. Elles doivent être bien installées pour être durables, et les industriels ont dû travailler cet aspect. Des accessoires en métal ou en terre cuite pour les ouvertures, les angles, les jonctions entre toitures et façades ont été imaginés en compléments. En plus d’être très esthétiques, les tuiles en bardage sont peu coûteuses et elles complètent très bien une isolation thermique par l’extérieur. Dernier avantage : il est très facile de changer une tuile cassée.

Paradoxalement, la tradition est-elle devenue une source d’inspiration dans le domaine de la tuile terre cuite ?
Tout à fait, les industriels cherchent à répondre à la demande de produits ancrés dans la tradition architecturale régionale. En Normandie, les tuiles plates sont à la mode et les tuiles classiques font leur grand retour dans le Sud, surtout dans le Sud-Est. Elles ont une allure ancienne, magnifiquement traitée. Elles ressemblent à des tuiles anciennes de récupération mais elles sont garanties trente ans. La toiture donne l’impression d’être là depuis 200 ans. On trouvera des tuiles plates, des tuiles canal, des tuiles fortement galbées. Les formes sont quasiment les mêmes depuis plusieurs siècles, il s’agit donc « seulement » pour les industriels de reproduire le passage des ans. Pour ce faire, ils ont récupéré des tuiles sur de vieux toits, pour recréer ici une ébréchure, là un lichen ; il s’agit de cartographier les petites marques du temps sans effet de répétitivité et sans motif. Il faudra compter une centaine de tuiles pour que cet effet soit atteint mais avec un mélange de 20/30 bien panaché, l’impression d’ancien est déjà bien présente.

Une toiture en tuile béton  

Dernière-née des produits de toiture, la tuile béton a su trouver sa place sur le marché de la construction. A la fois écologique et technique, elle sait imiter les produits traditionnels mais aussi trouver sa personnalité pour des effets architecturaux innovants.   

Les tuiles béton se déclinent en coloris panachés typiques du Sud. Ici une tuile Minéral Grand Moule Fort Galbe signée Monier. www.monier.fr © Monier

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                               Cinq questions à… François Thueux, directeur du marché Bâtiment chez Lafarge et à Christophe Bertrand, directeur des ventes du marché du neuf chez Monier.

Construiresamaison.com : De quand date l’invention des tuiles béton ? Ont-elles évolué depuis ?
Christophe Bertrand : Les tuiles béton sont des tuiles minérales qui ont été inventées il y a quarante ans pour résoudre les problèmes d’étanchéité qui se posaient à l’époque. D’anciens modèles ont inspiré les fabricants telles la petite tuile médiévale de Bourgogne ou de la vallée de Chevreuse qui présente une surface très structurée qui offre très rapidement un aspect vieilli. Des traitements empêchent les lichens, les mousses et la pollution d’attaquer les tuiles béton. Elles ne sont pas plus lourdes que celles en terre cuite.

La tuile béton est-elle écologique ?
Christophe Bertrand : Le béton est très performant d’un point de vue écologique. Sa fabrication est peu gourmande en énergie. C’est un produit minéral qui n’exige pas de cuisson. Il est moulé et étuvé à 30°, son empreinte carbone est donc faible. Les fabricants peuvent ainsi proposer aux clients des rapports qualité/prix très intéressants. A noter : la tuile béton est un produit local, 100% issu de la filière française, l’impact écologique de son transport est donc réduit.

La tuile béton est-elle aussi esthétique que les tuiles en matériaux traditionnels ?
François Thueux : Les tuiles béton sont teintées dans la masse et moulées. Elles peuvent donc imiter à la perfection l’ardoise ou la terre cuite. Toutes les gammes des produits peuvent être reproduites au niveau des couleurs et des formes grâce au processus de fabrication très naturel. Les industriels proposent des camaïeux déjà panachés mécaniquement en usine. La filière collabore avec les architectes des Bâtiments de France. Les ABF préfèrent souvent la tuile terre cuite mais c’est une question d’état d’esprit, pas d’aspect. Si la tuile béton n’est pas un matériau cher, ce n’est pas pour autant un produit bas de gamme.

 La tuile béton innove-t-elle encore aujourd’hui ?
Christophe Bertrand : En matière d’innovation, on trouve aujourd’hui des tuiles béton ultraplates. Leur finesse est telle qu’elle ne peut être égalée par les autres matériaux. La légèreté du produit fait également l’objet de recherches. La mise en œuvre du produit par les professionnels est ainsi facilitée. La tuile béton est de plus en plus utilisée en bardage sur les façades. C’est un élément architectural avec lequel on peut facilement jouer. Les modèles, les coloris, les accessoires tels que les faîtages qui peuvent être ronds, coniques, plats… accentuent encore ces possibilités. La linéarité de la toiture peut être cassée, le faîtage peut adopter un autre coloris que l’ensemble du toit… Autre innovation : une colorimétrie encore plus étendue.

Justement, quelle est la grande tendance en matière de coloris ?
Christophe Bertrand Le noir très profond, apprécié par les architectes et les bureaux d’études. Le rouge flammé représentait 80% des ventes il y a cinq ans, aujourd’hui le noir est choisi à 30% au détriment de ce coloris. Autre couleur qui a les faveurs des acquéreurs : le sablé/champagne un peu fauve. Par modèle, les clients disposent déjà de six à huit coloris. Mais n’importe quelle couleur peut être proposée. Il faut juste que le volume soit suffisant pour que la production soit rentable.

Une toiture en ardoise

L’ardoise est un matériau historique que l’on trouve par exemple sur des toitures dans les Ardennes au XIe siècle. C’est peut-être de là que le matériau tire son nom. Et c’est un matériau indissociable de l’histoire du Compagnonnage. Pour autant, l’ardoise, esthétique et chic, n’a rien perdu de son attrait et reste toujours très prisée.

Les ardoises Eternit s'invitent sur la façade pour envelopper le bâtiment. www.eternit.fr © Eternit

Cinq questions à… Jean-Claude Tisseyre, président de la Fédération des professionnels de l'ardoise naturelle.

Construiresamaison.com : L’ardoise est-elle encore à la mode ?
Jean-Claude Tisseyre : L’ardoise représente 14% de la couverture en pente (elle ne s’adapte pas particulièrement bien aux couvertures plates). C’est un matériau naturel, historiquement ancré dans l’esprit français. Il n’est pas fabriqué à la chaîne : du début à la fin de la production, il ne connaît que la main de l’homme. L’ardoise convient aux architectures contemporaines, et pourra même être utilisée pour les façades. Les mélanges ardoise/bois et ardoise/verre sont également tendance. On la mariera à des façades blanches, de couleur… 

Quelles sont les qualités de l’ardoise ?
L’ardoise vieillit parfaitement bien et n’est pas gélive. Elle est garantie trente ans en France (quatre-vingts ans en Hollande !). Elle est légère (de 30 à 35 kg au mètre carré), facile à travailler. Sa mise en place permet de créer des motifs et des décors : des rosaces, des écussons, des ronds, des décors d’angles. On peut aussi découper l’ardoise. Elle donne une plus-value esthétique à la maison. L’ardoise ne nécessite pas d’accessoires, elle se fixe par de simples crochets. Le toit n’a pas besoin de rives par exemple. L’ardoise se pose très rapidement. Sa maintenance est facile : une ardoise se change en quelques minutes.

L’ardoise est-elle un produit régional ?
Tout à fait. Les caractéristiques esthétiques de l’ardoise dépendent de la région d’où elle vient. Certaines régions utilisent des mixtes d’ardoise et de tuile. Mais attention, on ne pourra pas mettre de l’ardoise partout. Ce sera a priori impossible dans le sud de la France, rarement à Bordeaux. En revanche, dans les régions qui utilisent traditionnellement l’ardoise, les Plu apprécient beaucoup l’ardoise qui donne du caractère aux villages. Les Monuments historiques et les architectes des Bâtiments de France également. Les formes seront définies en fonction des traditions régionales. Par exemple vers Rodez on trouvera des couvertures rondes en queue-de-castor.

Les ardoises sont-elles toutes les mêmes ?
Chaque carrière produit des ardoises différentes. Leur composition, leurs propriétés ne sont pas les mêmes et dépendent de leurs formations sédimentaires. Une ardoise qui comporte du sulfure de fer et du carbonate sera plus claire et comportera des motifs moins sombres. Certaines ardoises sont noires ou bleu-gris, d’autres violines et vertes. Dans la Manche ou en Irlande, les ardoises sont vertes. Chacune a une analyse chimique que l’on retrouvera sur le label NF Ardoise. Le client dispose ainsi d’une indication pour déterminer le vieillissement de ses ardoises. Par exemple si l’ardoise contient du sulfure de fer, son aspect vieillira rapidement à cause de l’oxydation. Si elle contient du carbonate, elle peut devenir blanche. Les conditions climatiques participeront pour beaucoup au vieillissement de l’ardoise. En bord de mer par exemple les éléments seront plus agressifs. De toute façon l’ardoise se patinera joliment au fil du temps. A savoir : l’ensemble des produits du marché ont subi des tests de qualité. Le label NF garantit la traçabilité qualitative de l’ardoise du début à la fin de la filière.

L’ardoise apporte-t-elle une valeur patrimoniale à la maison ?
Bien sûr ! L’ardoise donne une valeur patrimoniale à la maison. C’est un acte d’investissement. On ne pose pas une toiture pour six mois. Lors de la revente, ce sera une belle valorisation. Pour une construction à la toiture simple, en Bretagne où elle est traditionnelle et où les couvreurs sont expérimentés, comptez 40 € du mètre carré. Plus vous irez vers le Nord, plus les prix augmenteront jusqu’à atteindre 120 € le mètre carré. Dans les régions « mixtes », du Centre vers Bourges, après la Loire en remontant vers Clermont-Ferrand, les prix varieront selon le type d’ardoise choisi, les transports, la qualification des couvreurs.

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