Lheure des matériaux biosourcés aurait-elle enfin sonné ? La future Réglementation environnementale 2020 qui doit logiquement remplacer lactuelle Réglementation thermique 2012 courant 2021 devrait enfin leur faire une place de choix et les sortir de lanonymat.
Longtemps considérés comme une lubie « d écolos », ils sont lune des réponses aux objectifs de la future réglementation. Mieux, le législateur reconnaît leurs qualités et conseille leur usage depuis la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte : « lutilisation des matériaux biosourcés concourt significativement au stockage de carbone atmosphérique et à la préservation des ressources naturelles », et « lutilisation de ces matériaux est encouragée par les pouvoirs publics lors de la construction ou de la rénovation des bâtiments ».

La décarbonation au programme
La signature carbone des maisons neuves va être étudiée de près dans la future RE 2020. Un signe qui ne trompe pas, elle sera environnementale et non plus uniquement thermique. Lempreinte carbone des maisons sera mesurée et intégrée dans le moteur de calcul des bureaux détudes. Pour le moment, le label Energie+ Carbone- sert de base de travail aux constructeurs pour se familiariser avec les futurs enjeux de la décarbonation.

Deux indicateurs, C1 et C2, ont été créés pour cela. Si le premier niveau C1 est relativement facile à atteindre, le C2 (le plus vertueux) impose en revanche une sélection plus fine des matériaux. Lorigine biosourcée devient alors un atout. Dautant plus que ce sont de véritables puits de carbone. « Ils contribuent à atteindre un niveau de performance environnementale élevé en termes d'émissions de gaz à effet de serre du projet sur tout le cycle de vie du bâtiment », confirme un rapport du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), un organisme dépendant du ministère de la Transition écologique et solidaire.
« Lisolant en laine de bois présente un bilan intéressant, car on prend en compte le stockage du C02 par le bois. Par ailleurs, la production est souvent locale, ce qui limite considérablement les émissions dues au transport », explique Laura Laugar, chef de projet énergie et environnement au sein du bureau détudes Senova. Et Olivier Martel des éco-isolateurs de confirmer : « lusine dans laquelle nous nous fournissons en laine de bois nest quà 25 km de notre entreprise ». Moins de transport, cest moins de CO2 !

Qu'est-ce qu'un matériau biosourcé ?
Pour être considéré biosourcé, le matériau doit être produit avec de la matière organique renouvelable dorigine végétale ou animale. « Pour le moment, il ny a pas de normes. Il ny a pas de quantités minimales demandées dans les compositions. Seule la démarche du label Biosourcé impose des quantités minimales au mètre carré », déplore Laura Laugar. Olivier Martel possède sa définition : pour lui, « les matériaux biosourcés sont ceux qui ne proviennent pas de lindustrie pétrochimique ».
Mais attention, lorigine végétale ou animale de lisolant nimplique pas obligatoirement quil soit 100 % naturel, bio ou vert ! Certains doivent subir une transformation et nécessitent des additifs chimiques en proportions variables ou être transportés sur de longues distances. Et Laura Laugar de préciser : « biosourcé ne rime pas obligatoirement avec matériau vert. La laine de mouton doit par exemple passer dans différents bains de traitement avant dêtre transformée en isolant ». Un traitement antifeu sera nécessaire sur les fibres de bois ou encore des colles seront rajoutées pour donner de la tenue aux panneaux de fibres.

Un choix toujours raisonné
Les particuliers qui optent pour le biosourcé ne le font jamais par hasard ! Pour eux la fibre de bois ou de chanvre est à lisolation conventionnelle ce quun plat surgelé est à la cuisine traditionnelle. Ils font tous les deux le boulot mais ce nest pas vraiment pareil. Qualité de vie intérieure, régulation de lhygrométrie, déphasage thermique améliorant le confort d'été/d'hiver, propriétés acoustiques et faible empreinte écologique sont souvent mis en avant pour justifier leur choix.
Côté performances, il ny a pas de différences notables avec des produits traditionnels. « Les isolants biosourcés sont un peu moins performants, mais avec un lambda (λ) de 0,036, la laine de bois nest pas si loin dune laine de roche ou de verre standard. Cette différence ne change dailleurs pas grand-chose au quotidien et ne concerne surtout que le confort dhiver. Car lun des principaux avantages des matériaux biosourcés, cest le déphasage qui lui joue un rôle important sur le confort dété. Une qualité que lon ne retrouve pas dans les laines minérales. Ce sera dailleurs un point important de la RE 2020. Autre caractéristique intéressante : la perspirance. Elle favorise l'évacuation de l'humidité et limite les problèmes de condensation et de moisissure », détaille Lara Laugar.

Pour le bâti, les blocs de miscanthus peuvent remplacer les blocs de béton ou la brique. Produits à partir dune plante originaire dAsie, ils possèdent des qualités mécaniques, acoustiques et thermiques en phase avec les exigences réglementaires. Trois tonnes de ce végétal permettent de fabriquer environ 1.200 blocs, soit 120 m2 de façade. Le chanvre se prête également à la fabrication de blocs de construction. Ils répondent aussi parfaitement aux exigences thermiques, de besoin d'économie d'énergie à l'exigence du développement durable et à la demande de construction d'habitats sains.
Encore trop chers
Aujourdhui, le coût de ces matériaux reste un frein majeur pour beaucoup dacquéreurs aux budgets serrés. Un handicap qui limite considérablement leur développement. Ils sont en moyenne 10 à 35 % plus chers que les matériaux traditionnels. Il faut en outre ajouter le coût dun savoir-faire spécifique.
Le Cerema a comparé à résistance thermique équivalente (R = 5) sept isolants face à la laine de verre et de roche. Le résultat est sans appel. Avec un coût denviron 5 /m2, la laine de verre est environ quatre fois moins chère que la fibre de bois ou la laine de chanvre (autour de 20 /m2). « Beaucoup de particuliers ne vont pas vers le biosourcé uniquement pour des raisons de prix », confirme Olivier Martel.
Idem pour le cloisonnement intérieur de la maison. Les panneaux de paille, un produit en plein développement, sont encore six à sept fois plus chers quun cloisonnement classique en plaque de plâtre. Et réaliser une maison en blocs de miscanthus coûte aussi plus cher. Seule lueur despoir : que la montée en puissance inéluctable de ce marché fasse baisser les prix. Mais pour Lara Laugar, « utiliser ponctuellement ces matériaux dans une maison classique est déjà un premier pas intéressant ».

Le label Biosourcé
Pour promouvoir les matériaux biosourcés, les pouvoirs publics ont créé en 2012 le label Biosourcé. Il est régi par larticle R. 111-22-3 du Code de la construction et de lhabitation. Seules les maisons NF Habitat ou NF Habitat HQE peuvent sinscrire dans la démarche dobtention. Les dossiers de labellisation sont instruits par Cerqual Qualitel Certification. Le premier niveau du label exige la mise en uvre d'au moins deux produits de construction biosourcés appartenant ou non à la même famille et remplissant des fonctions différentes. Pour atteindre les deuxième et troisième niveaux, il est exigé la mise en uvre d'au moins deux familles de produits de construction biosourcés et une origine naturelle plus importante. Pour que la maison obtienne le label, ses matériaux doivent aussi contenir un niveau minimal de matière renouvelable :
42 kg/m2 de matière renouvelable par surface de plancher pour le niveau 1,
63 kg/m2 pour le niveau 2,
84 kg/m2 pour le niveau 3.

Les principaux matériaux biosourcés
- La fibre de bois : le bois est un matériau biosourcé par excellence. Après un traitement mécanique, il est transformé en fibre et en laine isolantes. Le matériau présente de bonnes performances thermiques et acoustiques.
- La paille : la paille présente de nombreux avantages : son coût est faible, il y en a partout et ses performances acoustiques et thermiques sont prouvées. Elle contribue aussi efficacement au confort dété. On lutilise en revêtement de façade mais surtout en isolant thermique.
- Le chanvre : le chanvre est un matériau biosourcé régulant lhumidité et possédant de bonnes performances thermiques et acoustiques. Il possède un bon déphasage. Ses domaines dapplication sont lisolation des murs et la fabrication de blocs.
- La ouate de cellulose : Produite à partir de journaux recyclés, la ouate de cellulose sinscrit dans léconomie circulaire. Elle assure une bonne régulation de lhumidité, une excellente performance thermique et acoustique et sa production nécessite peu dénergie. On lutilise surtout en soufflage à sec dans les combles perdus.
- Le textile recyclé : Les vieux vêtements ont droit à une deuxième vie. Une fois triés, ils sont défibrés et mélangés. Les fibres obtenues sont ensuite thermoliées. Elles présentent une excellente performance thermique et acoustique. De plus, le textile recyclé régule lhumidité.
- La laine de mouton : La laine de mouton est lun des rares matériaux dorigine animale. Présentée sous forme de panneaux, elle régule bien lhumidité et présente de bonnes performances thermiques et acoustiques.
- Blocs de miscanthus et de chanvre : Les blocs porteurs de miscanthus et de chanvre peuvent remplacer les blocs béton classiques, performance acoustiques et thermiques en plus !

Des matériaux comme les autres
Comme tous les matériaux de construction, les biosourcés doivent répondre aux exigences du Code de la construction et de lhabitat par des évaluations et des documents techniques classiques. « Ils répondent strictement aux mêmes exigences que les autres matériaux ! », précise Lara Laugar. La plupart des isolants biosourcés sont sous avis techniques (ATec), possèdent un Document technique dapplications (DTA) ou relèvent de « normes produits ».
Quils soient en chanvre, en laine de mouton ou en fibre de bois, les isolants sont certifiés ACERMI, ce qui garantit entre autres leurs performances thermiques.

Dans la future Réglementation Environnementale 2020 (préfigurée par E+C-), les résultats des Analyses de cycle de vie (ACV) de tous les matériaux mis en uvre dans la maison seront pris en compte au travers des Fiches de déclaration environnementale et sanitaire (FDES). Pour le moment, elles ne sont pas encore toutes renseignées comme pour de nombreux autres matériaux et affichent des valeurs par défaut. Mais cest juste une question de temps
Enfin, côté assurance, il ny a aucune différence avec un matériau classique. Sils disposent d'Avis techniques, dun DTA ou de règles de l'art (Règles professionnelles, NF DTU), ils entrent dans le champ de garanties de lassurance décennale, sans extension de garantie, ni supplément de prime. Donc pas de soucis de ce côté, la structure de la maison sera parfaitement couverte pendant dix ans à partir de la remise des clefs.

Lexique de lisolation
RE 2020 : la Réglementation environnementale 2020 va remplacer lactuelle réglementation thermique 2012. Elle se fixe trois objectifs : diminuer limpact carbone des bâtiments, poursuivre lamélioration de leur performance énergétique et en garantir la fraîcheur pendant les étés caniculaires. Son enjeu majeur est de diminuer significativement les émissions de carbone du bâtiment.
ACERMI : lorganisme ACERMI (Association pour la CERtification des Matériaux Isolants) garantit la qualité et les performances techniques des produits isolants.
R : par définition, les matériaux isolants ne sont pas conducteurs. Il font même de la résistance. Cest ce quon appelle la résistance thermique. Plus le R est élevé, plus le matériau est isolant.
λ : c'est la capacité dun matériau à transférer la chaleur dans un matériau en un temps donné. Cest ce quon appelle la conductivité thermique lambda (λ). Plus le coefficient lambda est petit, plus le matériau, à épaisseur égale, est isolant.
