Plus économes en énergie, les maisons devront être aussi plus vertueuses sur le plan environnemental ! La réglementation environnementale, la RE 2020, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2022, fixe en effet des objectifs de diminution de CO2 concernant les phases de construction des bâtiments et leur exploitation. Ces émissions devant passer de 640 kg CO²/m²/an en 2022 à 415 kg CO²/m²/an en 2031, soit une baisse de 35 %.
Le cycle de vie au crible. Limpact des isolants comme celui des matériaux de construction sera désormais pris en compte lors de la conception des maisons. Ces produits utilisés devront faire lobjet de fiches de déclaration environnementale et sanitaire (FDES) indiquant lempreinte carbone de leur cycle de vie, que ce soit la production, la livraison, leur mise en uvre. Si les produits biosourcés, composés de matière végétale comme le bois ou la ouate de cellulose, ont une longueur davance, car ils absorbent le carbone pendant leur croissance, les isolants traditionnels ont leur mot à dire !
Emission de CO2 en baisse. Les industriels se sont déjà engagés dans la réduction de leurs émissions de CO2. Isover, filiale du groupe Saint-Gobain qui produit des laines de verre et de roche, sest fixé comme objectif une baisse de 33 % de ses émissions de CO2 concernant son processus de production par rapport à 2017. Ce dernier se compose de deux phases : la première consistant à cuire un mélange de sable et de calcin produit issu du recyclage du verre dans un four. Dans un second temps, ce verre en fusion sera coulé dans une assiette de fibrage afin de produire des filaments. Ces derniers passeront alors dans une étuve avant dêtre roulés et compressés pour donner naissance aux rouleaux de laines de verre.
Objectif recyclage
Economes en énergie. Pour baisser ces consommations dénergie, les fours sont remplacés progressivement par des appareils à la longévité plus importante cette dernière passant de cinq à six ans en moyenne à dix ans. Plus résistants, ils sont aussi plus économes en énergie. Si lélectricité est toujours utilisée par les fours, la donne devrait changer pour létuve fonctionnant au gaz. « Tout est ouvert », lance Lucille charbonnier, directrice du développement durable et RSE chez Isover qui table sur une solution qui sera proposée par le service Recherche développement dici deux à trois ans.
Opération recyclage. Autre axe de travail : le recyclage des matériaux comme lutilisation du calcin dans la fabrication des laines minérales. Le calcin, issu du recyclage du verre des bouteilles et des pare-brises, évite de consommer une part trop importante de sable dont les gisements sépuisent. « Nos laines minérales sont fabriquées à partir dau moins 40 % de calcin », précise la responsable. « Mais nous voulons passer à
80 %. Et en 2025, nous naurons plus besoin de sable dans nos usines. » Avec seulement 54 % du verre bouteille actuellement recyclé en France, lindustriel dispose dun gisement important de calcin pour atteindre ses objectifs. Outre la préservation du sable, le calcin nécessite aussi une température de fusion inférieure de 200 °C à celle du sable baissant par conséquent la consommation énergétique des fours. Le recyclage des laines de verre représente aussi un potentiel de valorisation des matériaux très intéressant. Les isolants sont récupérés lors des chantiers de déconstruction, tout comme les chutes de coupes. À lheure actuelle, tous les produits de lindustriel contiennent entre 40 et 80 % de laine recyclée. La moitié des volumes actuellement fabriqués utilisent par
ailleurs un liant biosourcé du sucre et sont recyclables à 100 %.
Des partenaires à contribution
Le transport mis à contribution. La diminution des émissions de CO2 passe aussi par la contribution des partenaires des industriels. Isover sest ainsi engagé dans le programme Fret 21 qui vise à diminuer les émissions des transporteurs avec lesquels il travaille. Il peut sagir de camions roulant au biogaz, de transport ferroviaire pour acheminer certaines marchandises, de maximiser le chargement des camions afin déviter quils ne circulent quà moitié remplis. Si la prise en compte de limpact carbone des isolants peut bouleverser certains acteurs du bâtiment, elle peut être aussi synonyme de changements. « La RE 2020 obligera les industriels à réaliser des analyses de cycle de vie pour leurs produits afin de produire des FDES. En voyant limpact de leur production sur lenvironnement,
ils changeront leur mode de fabrication », pronostique Lucille Charbonnier.
Des fours électriques. Les fabricants de laines de roche se sont aussi engagés à baisser leurs émissions de CO2 à linstar de Rockwool qui vise une réduction dun tiers de son empreinte carbone en 2034 par rapport à 2019. Lindustriel change progressivement lénergie de ses fours, nécessaire à la fusion du basalte pour fabriquer les isolants. Jusquà présent, ces installations utilisaient majoritairement du coke un dérivé du charbon pour fournir la chaleur nécessaire. Désormais, lélectricité a toute sa place. « Pour chaque nouvelle usine, nous choisissons lénergie la plus adaptée, que ce soit lélectricité ou le biogaz », explique Matthieu Biens, directeur marketing et développement produits pour lEurope du Sud chez Rockwool. « Et nous avons un plan de conversion de nos lignes existantes utilisant le coke, qui nous permettra de choisir lénergie ayant lempreinte locale la moins carbonée. »
Des déchets valorisés. Cet industriel mise, lui aussi, sur le recyclage pour diminuer son empreinte carbone. La laine de roche contient actuellement plus de 50 % de produits recyclés, que ce soit des déchets de production des usines ou des laines de roche
récupérées sur les chantiers depuis douze ans avec son programme Rockcycle. Un chiffre que cet acteur entend bien faire progresser à 75 %, un niveau déjà atteint dans le groupe, notamment en Scandinavie qui est en avance sur lHexagone. Lindustriel compte désormais sur Valobat, un éco-organisme fondé par vingt-six industriels, qui récupérera les déchets de chantier, pour développer le recyclage à grande échelle. Des décrets du gouvernement sont attendus pour que cet organisme puisse fonctionner. Contrairement au sable dont les stocks diminuent, les industriels peuvent compter sur un gisement important de matière première. « Cette roche, très abondante, se renouvelle en permanence », précise Matthieu Biens. « À léchelle mondiale, la terre produit 38 000 fois plus de roche volcanique que la quantité utilisée pour fabriquer de la laine de roche ! » À léchelon français, le basalte est exploité dans le Puy-de-Dôme (63) à Saint-Eloy-les-Mines.
Un déphasage qui comptera
Le coup de pouce de la maison bois. Très utilisé comme isolant dans lhabitat individuel neuf, la laine de roche pourrait être favorisée si la part de maisons construites en bois augmentait dans les prochaines années, ce matériau étant bien positionné pour réduire les émissions. Cest en tout cas lespoir que caresse Matthieu Biens : « La laine de roche apporte de linertie à la maison bois en isolant aussi bien les murs que les combles contribuant ainsi au confort dété. Cet isolant peut être également employé pour isoler par lextérieur les façades. Lisolation thermique par lextérieur (Ite) pourrait avoir une place alors que lisolation par lintérieur demeure actuellement un standard dans la construction ».
Le confort dété de la cellulose. Les isolants biosourcés ont, eux aussi, une belle carte à jouer à lheure de la décarbonation du secteur de la construction comme la ouate de cellulose. Composée de papiers recyclés et de sels minéraux, cette dernière simpose comme un bon isolant thermique et phonique. On lutilise pour isoler les murs où elle sera déclinée en flocons pour être insufflée. Le plancher des combles perdus sera aussi isolé. Rempart contre le froid, la ouate de cellulose participe aussi au confort dété grâce à son déphasage important. Elle est en effet capable de stocker la chaleur avant de la restituer progressivement évitant ainsi une température élevée.
Un bois isolant naturellement. Le bois fait partie des isolants biosourcés les plus utilisés. Les essences employées permettent de fabriquer des panneaux en fibres de bois qui isoleront les parois. Des blocs de bois peuvent être également fabriqués pour cet usage. Si certains produits sont importés notamment dEurope du Nord, une offre de bois certifiée, issue des forêts françaises, se développe pour limiter les rotations de camions, fortement émettrices de gaz à effet de serre.
Le lin comme outsider
La polyvalence du chanvre. Le chanvre peut être aussi utilisé. Des bétons allégés isolants sont obtenus en mélangeant de la paillette de chanvre à de la chaux. La fibre de la plante sera utilisée pour isoler par insufflation les rampants de la toiture et les planchers.
Le lin résistant et léger. Si le lin est très présent dans le textile et lameublement, il lest en revanche beaucoup moins dans la maison. Pourtant, cette plante cultivée notamment en Europe de louest (Normandie, Pays Bas et Belgique) une région représentant 80 % de la production mondiale , possède de sérieux atouts. Elle allie en effet la rigidité à la légèreté et la solidité. Sans oublier dêtre durable car elle a besoin de peu deau pour sa croissance. Les surfaces dédiées à cette culture ont dailleurs bondi de 132 % entre 2010 et 2021.
Isolant polyvalent. « La laine de lin possède une bonne performance thermique pour isoler les murs », explique Brice Roussel, responsable des matériaux et de linnovation à la Confédération européenne du lin et du chanvre (CELC). « Mais elle est aussi de plus en plus utilisée en rouleaux pour isoler le plancher des combles perdus. » Des dalles réalisées en lin peuvent être aussi posées directement sur le mur pour réduire les nuisances sonores, le lin ayant une capacité importante à absorber les vibrations. Des performances acoustiques qui lui permettent dêtre utilisé comme composant dune sous-couche, posée sous un parquet à létage.
Du confort à la clé. Outre ses qualités acoustiques et thermiques, le lin contribue aussi au confort dété. Des qualités qui pourraient inciter des constructeurs de maisons à réfléchir à son utilisation. « La RE 2020 devrait faire sauter les verrous », espère Brice Roussel. « Les professionnels sont enfermés dans leurs habitudes. Ils privilégient souvent les solutions les plus simples, ce qui est compréhensible. Mais il faut enclencher un cercle vertueux en utilisant le lin. Plus il y a aura de retours positifs quant à son utilisation, plus il sera facile de passer dun chantier à lautre. »
Un bloc de lin en 2022 ? Si le lin est plutôt utilisé en rouleaux, des blocs pourraient être bientôt disponibles. La Linière, une coopérative du Nord, a créé en 2017 Batilin, un bloc en béton de lin. Ce dernier peut être aussi bien utilisé pour monter une cloison isolante contre un mur, assurer le remplissage dune ossature poteaux-poutres ou réaliser une isolation thermique par lextérieur. Ce nouveau produit fera lobjet dun avis technique expérimental avec le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) lors du chantier dune rénovation de maison. Lobjectif étant de pouvoir lutiliser pour la construction de maisons. « Il y a un vrai ressenti de confort des habitants lorsque des matériaux
biosourcés sont utilisés dans le logement », explique Julien Gilliot, ingénieur produit chez La Linière. « Sans compter les économies dénergie. Nous espérons avoir une belle carte à jouer avec la réglementation environnementale 2020. Nous arrivons au bon moment. »