Les isolants à l’heure de la RE 2020

Jérôme Augereau
Mis à jour par
le 2 décembre 2021
Journaliste chez PAP.fr

La construction des maisons nécessitera désormais l’utilisation de matériaux ayant une faible empreinte carbone. Les fabricants d’isolants traditionnels ont d’ores et déjà réduit leurs consommations énergétiques. Mais ils devront faire plus pour ne pas être distancés par les isolants biosourcés.

Ce produit, fabriqué en coton recyclé, assure l'isolation des murs. © Le Relais Métisse

Plus économes en énergie, les maisons devront être aussi plus vertueuses sur le plan environnemental ! La réglementation environnementale, la RE 2020, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2022, fixe en effet des objectifs de diminution de CO2 concernant les phases de construction des bâtiments et leur exploitation. Ces émissions devant passer de 640 kg CO²/m²/an en 2022 à 415 kg CO²/m²/an en 2031, soit une baisse de 35 %.

Le cycle de vie au crible. L’impact des isolants comme celui des matériaux de construction sera désormais pris en compte lors de la conception des maisons. Ces produits utilisés devront faire l’objet de fiches de déclaration environnementale et sanitaire (FDES) indiquant l’empreinte carbone de leur cycle de vie, que ce soit la production, la livraison, leur mise en œuvre. Si les produits biosourcés, composés de matière végétale comme le bois ou la ouate de cellulose, ont une longueur d’avance, car ils absorbent le carbone pendant leur croissance, les isolants traditionnels ont leur mot à dire !

Cette solution d'isolation de la toiture-terrasse se compose de deux panneaux en liège et bois. © Soprema

Emission de CO2 en baisse. Les industriels se sont déjà engagés dans la réduction de leurs émissions de CO2. Isover, filiale du groupe Saint-Gobain qui produit des laines de verre et de roche, s’est fixé comme objectif une baisse de 33 % de ses émissions de CO2 concernant son processus de production par rapport à 2017. Ce dernier se compose de deux phases : la première consistant à cuire un mélange de sable et de calcin – produit issu du recyclage du verre – dans un four. Dans un second temps, ce verre en fusion sera coulé dans une assiette de fibrage afin de produire des filaments. Ces derniers passeront alors dans une étuve avant d’être roulés et compressés pour donner naissance aux rouleaux de laines de verre.

Objectif recyclage

Economes en énergie. Pour baisser ces consommations d’énergie, les fours sont remplacés progressivement par des appareils à la longévité plus importante cette dernière passant de cinq à six ans en moyenne à dix ans. Plus résistants, ils sont aussi plus économes en énergie. Si l’électricité est toujours utilisée par les fours, la donne devrait changer pour l’étuve fonctionnant au gaz. « Tout est ouvert », lance Lucille charbonnier, directrice du développement durable et RSE chez Isover qui table sur une solution qui sera proposée par le service Recherche développement d’ici deux à trois ans.

Opération recyclage. Autre axe de travail : le recyclage des matériaux comme l’utilisation du calcin dans la fabrication des laines minérales. Le calcin, issu du recyclage du verre des bouteilles et des pare-brises, évite de consommer une part trop importante de sable dont les gisements s’épuisent. « Nos laines minérales sont fabriquées à partir d’au moins 40 % de calcin », précise la responsable. « Mais nous voulons passer à
80 %. Et en 2025, nous n’aurons plus besoin de sable dans nos usines. » Avec seulement 54 % du verre bouteille actuellement recyclé en France, l’industriel dispose d’un gisement important de calcin pour atteindre ses objectifs. Outre la préservation du sable, le calcin nécessite aussi une température de fusion inférieure de 200 °C à celle du sable baissant par conséquent la consommation énergétique des fours. Le recyclage des laines de verre représente aussi un potentiel de valorisation des matériaux très intéressant. Les isolants sont récupérés lors des chantiers de déconstruction, tout comme les chutes de coupes. À l’heure actuelle, tous les produits de l’industriel contiennent entre 40 et 80 % de laine recyclée. La moitié des volumes actuellement fabriqués utilisent par
ailleurs un liant biosourcé – du sucre – et sont recyclables à 100 %.

Les laines de verre d'Isover sont fabriquées à partir de calcin, un produit issu du recyclage des verres des bouteilles et des pare-brise. © Placo-Isover

Des partenaires à contribution

Le transport mis à contribution. La diminution des émissions de CO2 passe aussi par la contribution des partenaires des industriels. Isover s’est ainsi engagé dans le programme Fret 21 qui vise à diminuer les émissions des transporteurs avec lesquels il travaille. Il peut s’agir de camions roulant au biogaz, de transport ferroviaire pour acheminer certaines marchandises, de maximiser le chargement des camions afin d’éviter qu’ils ne circulent qu’à moitié remplis. Si la prise en compte de l’impact carbone des isolants peut bouleverser certains acteurs du bâtiment, elle peut être aussi synonyme de changements. « La RE 2020 obligera les industriels à réaliser des analyses de cycle de vie pour leurs produits afin de produire des FDES. En voyant l’impact de leur production sur l’environnement,
ils changeront leur mode de fabrication », pronostique Lucille Charbonnier.

Des fours électriques. Les fabricants de laines de roche se sont aussi engagés à baisser leurs émissions de CO2 à l’instar de Rockwool qui vise une réduction d’un tiers de son empreinte carbone en 2034 par rapport à 2019. L’industriel change progressivement l’énergie de ses fours, nécessaire à la fusion du basalte pour fabriquer les isolants. Jusqu’à présent, ces installations utilisaient majoritairement du coke – un dérivé du charbon – pour fournir la chaleur nécessaire. Désormais, l’électricité a toute sa place. « Pour chaque nouvelle usine, nous choisissons l’énergie la plus adaptée, que ce soit l’électricité ou le biogaz », explique Matthieu Biens, directeur marketing et développement produits pour l’Europe du Sud chez Rockwool. « Et nous avons un plan de conversion de nos lignes existantes utilisant le coke, qui nous permettra de choisir l’énergie ayant l’empreinte locale la moins carbonée. » 

Les produits de laine de roche de Rockwool contiennent 50 % de produits recyclés. © Rockwool

Des déchets valorisés. Cet industriel mise, lui aussi, sur le recyclage pour diminuer son empreinte carbone. La laine de roche contient actuellement plus de 50 % de produits recyclés, que ce soit des déchets de production des usines ou des laines de roche
récupérées sur les chantiers depuis douze ans avec son programme Rockcycle. Un chiffre que cet acteur entend bien faire progresser à 75 %, un niveau déjà atteint dans le groupe, notamment en Scandinavie qui est en avance sur l’Hexagone. L’industriel compte désormais sur Valobat, un éco-organisme fondé par vingt-six industriels, qui récupérera les déchets de chantier, pour développer le recyclage à grande échelle. Des décrets du gouvernement sont attendus pour que cet organisme puisse fonctionner. Contrairement au sable dont les stocks diminuent, les industriels peuvent compter sur un gisement important de matière première. « Cette roche, très abondante, se renouvelle en permanence », précise Matthieu Biens. « À l’échelle mondiale, la terre produit 38 000 fois plus de roche volcanique que la quantité utilisée pour fabriquer de la laine de roche ! » À l’échelon français, le basalte est exploité dans le Puy-de-Dôme (63) à Saint-Eloy-les-Mines.

Un déphasage qui comptera

Le coup de pouce de la maison bois. Très utilisé comme isolant dans l’habitat individuel neuf, la laine de roche pourrait être favorisée si la part de maisons construites en bois augmentait dans les prochaines années, ce matériau étant bien positionné pour réduire les émissions. C’est en tout cas l’espoir que caresse Matthieu Biens : « La laine de roche apporte de l’inertie à la maison bois en isolant aussi bien les murs que les combles contribuant ainsi au confort d’été. Cet isolant peut être également employé pour isoler par l’extérieur les façades. L’isolation thermique par l’extérieur (Ite) pourrait avoir une place alors que l’isolation par l’intérieur demeure actuellement un standard dans la construction ».

Le confort d’été de la cellulose. Les isolants biosourcés ont, eux aussi, une belle carte à jouer à l’heure de la décarbonation du secteur de la construction comme la ouate de cellulose. Composée de papiers recyclés et de sels minéraux, cette dernière s’impose comme un bon isolant thermique et phonique. On l’utilise pour isoler les murs où elle sera déclinée en flocons pour être insufflée. Le plancher des combles perdus sera aussi isolé. Rempart contre le froid, la ouate de cellulose participe aussi au confort d’été grâce à son déphasage important. Elle est en effet capable de stocker la chaleur avant de la restituer progressivement évitant ainsi une température élevée.

L'isolation du plancher peut être réalisée avec la ouate de cellulose qui se projette en flocons. © Soprema

Un bois isolant naturellement. Le bois fait partie des isolants biosourcés les plus utilisés. Les essences employées permettent de fabriquer des panneaux en fibres de bois qui isoleront les parois. Des blocs de bois peuvent être également fabriqués pour cet usage. Si certains produits sont importés notamment d’Europe du Nord, une offre de bois certifiée, issue des forêts françaises, se développe pour limiter les rotations de camions, fortement émettrices de gaz à effet de serre.

La fibre de bois peut être utilisée pour isoler les combles. © Isonat

Le lin comme outsider

La polyvalence du chanvre. Le chanvre peut être aussi utilisé. Des bétons allégés isolants sont obtenus en mélangeant de la paillette de chanvre à de la chaux. La fibre de la plante sera utilisée pour isoler par insufflation les rampants de la toiture et les planchers.

Peu utilisé dans l'habitat individuel neuf, le lin assure pourtant une excellente isolation des murs. © Oskar Proctor

Le lin résistant et léger. Si le lin est très présent dans le textile et l’ameublement, il l’est en revanche beaucoup moins dans la maison. Pourtant, cette plante cultivée notamment en Europe de l’ouest (Normandie, Pays Bas et Belgique) – une région représentant 80 % de la production mondiale –, possède de sérieux atouts. Elle allie en effet la rigidité à la légèreté et la solidité. Sans oublier d’être durable car elle a besoin de peu d’eau pour sa croissance. Les surfaces dédiées à cette culture ont d’ailleurs bondi de 132 % entre 2010 et 2021.

Isolant polyvalent. « La laine de lin possède une bonne performance thermique pour isoler les murs », explique Brice Roussel, responsable des matériaux et de l’innovation à la Confédération européenne du lin et du chanvre (CELC). « Mais elle est aussi de plus en plus utilisée en rouleaux pour isoler le plancher des combles perdus. » Des dalles réalisées en lin peuvent être aussi posées directement sur le mur pour réduire les nuisances sonores, le lin ayant une capacité importante à absorber les vibrations. Des performances acoustiques qui lui permettent d’être utilisé comme composant d’une sous-couche, posée sous un parquet à l’étage.

Ce bloc de lin, baptisé Batilin, peut être utilisé pour l'isolation intérieure et extérieure d'une maison. Il fera l'objectif d'un avis technique expérimental qui sera réalisé par le CSTB en 2022. © LA LINIERE

Du confort à la clé. Outre ses qualités acoustiques et thermiques, le lin contribue aussi au confort d’été. Des qualités qui pourraient inciter des constructeurs de maisons à réfléchir à son utilisation. « La RE 2020 devrait faire sauter les verrous », espère Brice Roussel. « Les professionnels sont enfermés dans leurs habitudes. Ils privilégient souvent les solutions les plus simples, ce qui est compréhensible. Mais il faut enclencher un cercle vertueux en utilisant le lin. Plus il y a aura de retours positifs quant à son utilisation, plus il sera facile de passer d’un chantier à l’autre. »

Un bloc de lin en 2022 ? Si le lin est plutôt utilisé en rouleaux, des blocs pourraient être bientôt disponibles. La Linière, une coopérative du Nord, a créé en 2017 Batilin, un bloc en béton de lin. Ce dernier peut être aussi bien utilisé pour monter une cloison isolante contre un mur, assurer le remplissage d’une ossature poteaux-poutres ou réaliser une isolation thermique par l’extérieur. Ce nouveau produit fera l’objet d’un avis technique expérimental avec le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) lors du chantier d’une rénovation de maison. L’objectif étant de pouvoir l’utiliser pour la construction de maisons. « Il y a un vrai ressenti de confort des habitants lorsque des matériaux
biosourcés sont utilisés dans le logement », explique Julien Gilliot, ingénieur produit chez La Linière. « Sans compter les économies d’énergie. Nous espérons avoir une belle carte à jouer avec la réglementation environnementale 2020. Nous arrivons au bon moment. » 

 


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