Le gaz, c'est fini (ou presque) !

Manuel Apruzzese
Mis à jour par
le 6 décembre 2021
Journaliste chez PAP.fr

Vous souhaitiez vous chauffer et produire votre eau chaude sanitaire au gaz naturel ? Trop tard ! La Réglementation thermique 2020 acte la fin définitive du 100 % énergies fossiles dans les maisons individuelles neuves. Seule alternative, passer à l'hybridation.

La Réglementation environnementale 2020 remplace la RT 2012. Grande nouveauté, elle acte la fin du gaz naturel dans la maison. Sauf à de très rares exceptions, il sera définitivement proscrit. © Fotolia

Selon le ministère du Logement, environ 20 % des maisons neuves en France bâties sous le régime de la Réglementation thermique 2012 sont équipées d’une chaudière gaz pour se chauffer ou produire l’eau chaude sanitaire. Des panneaux photovoltaïques produisent le complément d’énergie renouvelable obligatoire, c'est-à-dire 5 kWhep/m2/an.

La nouvelle Réglementation environnementale 2020 chamboule tout. Après plus de 100 ans de bons et loyaux services, le gaz naturel disparaît de la maison neuve au profit d’énergies 100 % renouvelables. Le 100 % gaz cède sa place à la pompe à chaleur ou à la chaudière à granulés. Tous les permis de construire déposés à partir du 1er janvier devront se conformer aux nouvelles exigences du texte. Mais le gaz n'a pas tout à fait dit son dernier mot ! Comme le précise Emmanuel Bavoux, responsable du pôle marché grand public chez GRDF, « le gaz n'est pas voué à disparaître comme on a pu l'entendre ici et là ! Les solutions gaz seront en hybridation, ce qui est déjà le cas en fait depuis la RT 2012. Il n'y a pas de rupture ». 

La chaudière hybride associe une pompe à chaleur électrique à une chaudière à condensation. © GRDF2

Pourquoi le 100 % gaz est-il banni de la maison neuve ?

Depuis la COP 21, la France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone (zéro émission de gaz à effet de serre) en 2050. La RE 2020 est la première réglementation qui établit clairement des exigences d’émissions de gaz à effet de serre des énergies utilisées dans le logement. Pour le chauffage, le texte fixe un seuil maximal d'émissions de 4 kgCO2/m2/an en maison individuelle. Un niveau quasiment inaccessible pour le moment, qui exclut de facto l’usage du gaz dans la maison. « Alors qu’une maison existante moyenne chauffée au gaz émet près de cinq tonnes de CO2 par an, une maison RE 2020 en émettra moins d’une demi-tonne, soit dix fois moins », annonçait Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique lors de la présentation de la RE 2020. Désormais, on comprend mieux pourquoi le gaz naturel disparaît...

Lotissements raccordés. Seuls dans les lotissements raccordés au gaz et dont le permis d’aménager a été accordé avant le 1er janvier 2022, les maisons neuves pourront utiliser le gaz naturel pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire. Attention, le permis de construire devra être déposé avant le 31 décembre 2023 au plus tard. Et Emmanuel Bavoux de préciser : « En lotissement, le seuil d’émission est de 7 kgCO2/m2/an. Trois solutions sont tout à fait envisageables : une chaudière gaz très haute performance énergétique couplée à un chauffe-eau thermodynamique, un ensemble chaudière THPE et pompe à chaleur air/air qui combine le chauffage et le rafraîchissement et enfin une pompe à chaleur hybride gaz. La Pac hybride avec ballon de stockage est une solution innovante adaptée à la maison individuelle. Les bureaux d’études thermiques peuvent dès à présent l'intégrer dans leurs simulations en s’appuyant sur la fiche d’application validée par les pouvoirs publics ».

Seules les maisons neuves situées dans les lotissements raccordés au gaz dont le permis d’aménager a été accordé avant le 1er janvier 2022 pourront utiliser le gaz naturel. Le permis de construire devra être déposé avant le 31 décembre 2023 au plus tard. © Poitou-terrains

La chaudière hybride peut prendre le relais

Votre terrain est raccordable au réseau de gaz naturel ? Il reste encore une possibilité si vous souhaitez bénéficier de cette énergie : la chaudière hybride. « La Pac hybride combine les atouts de deux technologies : une pompe à chaleur électrique et une chaudière THPE. Son système de régulation intelligent permet d’utiliser de manière performante le module pompe à chaleur et/ou le module chaudière gaz en fonction des températures extérieures, du confort attendu ou encore du prix des énergies. Cela évite ainsi des appels de puissance supplémentaires sur le réseau électrique et des moyens de production de pointe. Résultat : une réduction des émissions de CO2 toute l’année et des économies conséquentes pour les ménages », détaille Emmanuel Bavoux. Attention au prix, il tourne autour de 10 000 €. Mais comme le précise Marie-Laure Charlot, responsable maison individuelle et lotissement chez GRDF, « le coût n'est pas plus élevé que celui d'une Pac air/eau. Cette solution ne nécessite pas en effet une Pac de grosse puissance ; 3 à 5 kW suffisent. Ce qui pondère le coût de l’installation ». Mais attention, seul le bureau d’études thermiques du constructeur peut valider cette solution.

La chaudière hybride est une solution envisageable. Mais seul le bureau d'étude thermique pourra valider cette option. © De Dietrich

Quelles alternatives envisager ? 

En maison individuelle, les solutions fonctionnant avec une énergie non fossile, 100 % renouvelables, sont variées (pompes à chaleur, chauffage biomasse, solaire). Dans cette nouvelle configuration la pompe à chaleur (aérothermie ou géothermie) est la grande gagnante. Près de huit maisons neuves sur dix construites sous la RT 2012 en étaient équipée en 2021. Leur part de marché devrait encore augmenter avec la nouvelle réglementation pour atteindre plus de 90 %, voire peut-être plus, en régime de croisière. Comptez entre 6 000 et 15 000 € pour une PAC air/air, entre 7 000 et 15 000 € pour une Pac air/eau et entre 7 000 à 20 000 € pour une Pac géothermique. 

Autre succès annoncé : l’essor des chaudières dites biomasse (granulés et bois). Elles sont aussi valorisées dans le nouveau texte 2020. La ressource bois est abondante et s’inscrit aussi dans le processus d’économie circulaire puisque les pellets sont des déchets de scierie recyclés. Autre atout de poids dans le contexte énergétique du moment, c’est l’énergie la moins chère du marché à l’abri de cours mondiaux. Reste leur prix qui pourrait refroidir certains particuliers. A partir de 12 000 €.

Et le gaz vert ?
On parle aujourd’hui beaucoup de méthanisation, une production d’EnR locale et non intermittente. Ce gaz « vert » est une énergie renouvelable produite localement à partir de matières organiques et de déchets agricoles. C’est une production qui permet d’augmenter la part du renouvelable dans les consommations d’énergie et de réduire les émissions de gaz à effet de serre. « A l'horizon 2030, nous visons 30 % de biométhane pour arriver à 100 % à l'horizon 2050 », ne manque pas d'ajouter Marie-Laure Charlot. Au 1er août 2021 on recensait 283 sites de production et près de 1200 à l’étude. Preuve s’il en est de l’intérêt de ce nouveau gaz. D’ailleurs aujourd’hui une part non négligeable de la production est déjà injectée dans le réseau de gaz sans que les usagers ne s’en rendent compte. D’un point de vue environnemental son contenu carbone est 8 à 10 fois inférieur à celui du gaz naturel. Si la possibilité d’alimenter des maisons neuves en gaz « vert » est techniquement possible, malgré ses qualités, ce n’est pas prévu dans la RE 2020. Mais rien n’interdit de penser que dans quelques mois ou quelques années, il obtiendra son Titre V (une sorte d’agrément) comme du temps de la RT 2012. Affaire à suivre…


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