Construction : les nouveaux défis de la maison

Pierre Chevillard
Mis à jour par
le 13 septembre 2021
Rédacteur en chef chez PAP.fr

Etat des lieux du marché, attentes des familles, construction bas carbone, densification urbaine : le point sur les enjeux de la construction de maisons individuelles avec Grégory Monod, président du pôle Habitat de la Fédération française du bâtiment.

© Westend61Getty Images

La construction de maisons individuelles vit un moment particulier. D’un côté, la cote d’amour des Français pour ce type d’habitat n’a jamais été aussi élevée. Et les ventes s’envolent. De l’autre, le secteur se prépare à une petite révolution. La réglementation environnementale 2020 va entrer en vigueur l’an prochain. Un texte plus exigeant que l’actuelle Réglementation RT 2012 puisqu’il renforce les performances des constructions tout en visant la décarbonation des matériaux comme des énergies. Autre défi que le secteur doit relever : avec la lutte contre l’artificialisation des sols enclenchée par la loi Climat et résilience votée cet été, les terrains pourraient bien devenir plus rares - et plus chers -dans les prochaines années. Grégory Monod, président du pôle Habitat de la Fédération française du bâtiment, fait le point sur ces questions pour Construiresamaison.com  

Construiresamaison.com : Après une année 2020 évidemment compliquée par la pandémie et les confinements, comment le marché de la construction de maisons individuelles se porte-t-il aujourd’hui ?
Grégory Monod : depuis le début de l’année, les ventes se sont fortement redressées. Entre juin 2020 et mai 2021, par exemple, elles atteignent 138 800 unités, contre 114 900 en 2020 et 125 528 en 2019. Cette vigueur s’explique autant par les mauvaises performances du premier semestre 2020 (premier confinement très strict oblige) que par l’engouement pour la maison, par des conditions de crédit très favorables et par le déploiement d’une offre commerciale adaptée par les constructeurs.

La crise de la Covid-19 a-t-elle modifié les demandes des familles ?
Oui. Aujourd’hui, les acquéreurs veulent avant tout un accès à l’extérieur et donc recherchent une maison avec jardin ou un appartement avec terrasse ou balcon. Les chiffres étincelants des ventes sur la première partie de l’année le montrent. Autre tendance : les acquéreurs sont de plus en plus vigilants quant à leurs dépenses d’énergie. La prise de conscience du bas carbone n’est pas encore très prégnante, mais dès qu’il y a un lien entre écologie et économie sur la facture, les clients y sont très attentifs.

Comment la maison neuve évolue-t-elle ? Quelles sont les nouvelles tendances ?
La Réglementation environnementale 2020, opérationnelle le 1er janvier 2022, va décarboner l’habitat neuf, impulsant une nouvelle phase d’innovation tant en termes de matériaux que d’équipements. Elle apportera des évolutions en termes d’isolation et d’agrément de vie en toutes saisons. Les conforts d’hiver et d’été seront optimisés par une conception bioclimatique renforcée. Les objets connectés vont devenir incontournables pour piloter la maison. On citera par exemple les dispositifs de surventilation nocturne pour récupérer la fraîcheur des nuits d’été, ou encore les capteurs de CO2 qui donnent une indication précise sur la qualité de l’air intérieur. Toujours plus performante et agréable à vivre, la maison neuve fera bien plus que répondre au besoin de se loger : elle apportera en plus des services comme le télétravail ou la recharge de véhicule électrique, elle s’adaptera aux évolutions de la vie et offrira toujours plus de confort.

En d’autres termes, la maison neuve est de plus en plus écolo…
Les nouvelles règlementations nous y incitent fortement, l’actualité climatique nous rappelle la nécessité d’agir, la pression citoyenne est croissante et la demande client est là ! Les constructeurs ont pris conscience de longue date de leur responsabilité environnementale. L’objectif, c’est celui de la neutralité carbone à horizon 2050. La RE 2020, la gestion des déchets, de l’eau, la sobriété foncière sont autant de défis passionnants que nous relèverons pour continuer de construire et de proposer des logements neufs responsables et adaptés aux besoins des familles. Nous avons aujourd’hui toutes les technologies pour y répondre. Aux constructeurs de bien se les approprier pour limiter les surcoûts. Ces ambitions environnementales, indispensables, ne doivent pas empêcher les ménages, en particulier les primo-accédants modestes, de réaliser leur projet.

La loi Climat et résilience prône la lutte contre l’artificialisation des sols. Quelles sont les conséquences pour la maison neuve ?
Le principe de Zéro artificialisation nette vers lequel nous devons tendre à l’horizon 2050 au titre de cette loi constitue une réelle menace. Son application mathématique et quasi-uniforme sur l’ensemble des territoires en dépit de leur diversité, sans prise en compte de la « valorisation environnementale du foncier » (parcs, jardins, etc.), va faire baisser l’offre de terrains. De quoi provoquer une forte hausse des prix du foncier qui, associée à l’augmentation des coûts de construction due à la RE 2020, risque de rendre insolvables les ménages modestes qui ne peuvent accéder à la propriété en centre urbain ou qui souhaitent s’installer en maison neuve pour disposer d’un meilleur confort.

La loi Climat et résilience, c’est donc un texte anti-maison…
Elle est contreproductive et nous le dénonçons. Elle risque de bloquer le parcours résidentiel des ménages et d’accentuer la fracture territoriale au détriment des secteurs périurbains et ruraux qui, eux aussi, ont besoin d’une offre de logements neufs abordables. En outre, contracter l’offre de maisons dans ces secteurs non adaptés au logement collectif risque de conduire les primo-accédants à s’éloigner encore plus des zones d’emplois, en totale contradiction avec les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols. Il faut inverser le regard sur la construction et sur l’habitat individuel : bâtir pour loger est vecteur de progrès, de développement durable, de cohésion territoriale et sociale.

La maison peut-elle adopter de nouvelles formes urbaines ?
L’objectif de sobriété foncière, à l’œuvre depuis les lois Alur et Elan, a d’ores et déjà entrainé une évolution importante de l’habitat individuel. Les surfaces de terrains ont ainsi fortement diminué. La lutte contre le dérèglement climatique et le principe de Zéro artificialisation nette en 2050 obligent, en responsabilité, les constructeurs à aller plus loin et à modifier leur façon de faire pour proposer un habitat individuel plus dense, plus compact, tout en garantissant une meilleure qualité de vie. Le développement d’opérations d’habitat individuel « dense et organisé » doit être promu, tout comme la maison de ville pour revitaliser les centres bourgs ou encore la densification douce des quartiers pavillonnaires. Les constructeurs et les aménageurs du Pôle Habitat FFB y sont prêts. Pour cela, il faut reconsidérer l’habitat individuel comme porteur de transition et repenser les procédures opérationnelles dans une approche d’urbanisme de projet associant densités raisonnées, espaces naturels, mixité fonctionnelle, mutualisation de services et d’équipements.

Quelques conseils pour les acquéreurs d’aujourd’hui et de demain ?
Il faut toujours démarrer par la recherche d’information. Une démarche qui doit concerner tous les aspects du projet, qu’il s’agisse de contrat, de garanties, d’architecture, de plans et d’aménagements intérieurs. Ensuite, il faut évaluer les moyens financiers pour savoir précisément ce qu’il est possible d’acheter. Enfin, l’acquéreur dressera un cahier des charges de ses besoins et de ses envies en tenant compte de son budget. Un point particulier concernant le choix du professionnel : mieux vaut se tourner vers ceux qui travaillent sous le régime du Contrat de construction d’une maison individuelle, le CCMI-loi de 1990. Très protecteur, c’est le seul à intégrer obligatoirement de nombreuses protections, la principale étant la garantie de livraison à prix et délais convenus. Bref, il ne faut pas perdre de vue que l’objectif, c’est de se lancer en confiance pour réussir un très beau projet. Très valorisante, la construction de maison reste un excellent moyen d’offrir du confort et de la sécurité à sa famille, c’est un patrimoine durable et performant… C’est aussi la forme d’habitat qui offre le meilleur rapport qualité/prix/sécurité du marché !

Les pros de la maison
Le Pôle Habitat de la Fédération française du bâtiment (LCA-FFB), c’est la principale organisation professionnelle du logement neuf. Elle rassemble constructeurs de maisons, promoteurs et aménageurs fonciers. Outre la défense du secteur, elle travaille sur les nouvelles réglementations, la qualité des bâtiments et la sécurisation des acquéreurs. Elle est présidée par Grégory Monod, également président du Groupe Sogimm. www.polehabitat-ffb.com


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